05 décembre 2004

Moi je suis congolais, et toi?

Salut a tous, Cette fois je démarre par des salutations en français et non pas en Lingala, pour vous parler…des congolais justement. La question revient souvent, Mario vous êtes des néo colonialistes entre vous, ou bien vous fréquentez des congolais? Et ces derniers ils sont comment ? Et les congolaises? Face à toutes ces questions je me dois de vous faire un petit topo sur les autochtones dont la singularité est le seul qualificatif que je puisse leur associer tant il m’est difficile de résumer ces grands moments que sont nos échanges. Quels sont les traits de caractère des congolais déjà? Eh bien sachez tout d’abord que c’est un peuple qui a connu toutes les horreurs possibles et imaginables, du pillage à la guerre à la famine…je ne m’attarde pas sur les récits de l’époque ou sur certaines séquelles physiques particulièrement visibles lors de déplacements en territoires ex rebelles (la cicatrice sur la tête c’est quoi? un massacre avorté à la hache…) il en résulte un fatalisme et un attentisme déprimant et de ces derniers découle un individualisme, véritable poison de ce pays où la notion d’intérêt collectif a disparu depuis belle lurette. J’en vois quelques uns se dire, il est gentil le Mario, mais quelle autre attitude espérer? Ben tout simplement un cynisme à toute épreuve qui permettrait de rigoler au lieu d’attendre que ça se passe, et qui se muerait en un état d’esprit collectif aux vertus curatives. Je ne m’attarde pas plus sur le sujet, ce blog n’est pas un forum mais simplement le reflet de mon petit cerveau de blanc (enfin marron plutôt mais bon) : je pose le décor tel que je le perçois et je le vis surtout. D’entrée de jeu, je me suis vu contraint d’éliminer de mon dictionnaire toutes les personnes (les riches comme les moins riches) qui ne louchaient que sur mon portefeuille et qui venaient systématiquement me voir pour me demander de l’argent, une faveur, ou encore tout bien que je pourrais leur donner (sollicitations allant de quelques casseroles à ma voiture)…ironie du sort, les ONGs (toujours à la traîne niveau sous) sont ici les plus gros employeurs et vues comme des mini Fort Knox…no comment! Quid des autres alors? Eh bien sachez qu’il faut se rendre à l’évidence, les barrières culturelles que nous considérons souvent comme des artefacts de l’establishment sont des réalités bien troublantes, car tant de choses nous séparent. D’abord l’éducation, l’école, le voyage ne sont que des mots ici, rendant toute base commune de discussion difficile. Ensuite, des pratiques telles que la polygamie, bien plus que tolérée, ajoutent leur pierre à l’édifice qui nous sépare, et la cerise sur le gâteau reste la religion. Le christianisme dans toute sa splendeur colonialiste se voit couplé à la sorcellerie et autres croyances occultes pour donner des résultats qui donnent la frousse. Que certains croient que les pygmées jettent des mauvais sorts aux gens s’ils sont mécontents, soit. Que d’autres croient aux hommes crocodiles qui vous entraînent au fond du fleuve et vous font travailler pour l’éternité soit, mais quand la majorité croient aux enfants sorciers et font porter à leur propre progéniture la responsabilité de la misère familiale, là ça devient une autre paire de manches. Ces enfants sont tout simplement jetés hors de leurs maison et vont gonfler les rangs des Tchegués, les enfants des rues, aussi dangereux que désespérés. Oui croyance et pauvreté voila les deux véritables fléaux qui ravagent la société congolaise. Pauvreté dis je, horreur quotidienne des femmes surtout…oui des femmes, souvent seules membres du foyer à travailler. C’est « marrant » d’ailleurs de constater que seuls les hommes et les enfants quémandent…quitte a rester dans le très gai autant continuer avec ces filles virées de l’école par leurs professeurs pour avoir repoussé les avances de ces derniers, ces autres filles qui échangent leurs corps contre un simple repas parfois (la tristement célèbre prostitution au sens large), et celles qui combinent les études, le travail de jour, et la passe de nuit : oui un bien triste portrait d’une société toute aussi désespérante qu’impénétrable. Néo colonialisme donc? Véritable casse tête pour nous tous ici je vous assure, car à un moment ou un autre la très désagréable sensation de supériorité nous effleure…. je pense qu’il faut être honnête et le reconnaître, même si nous chassons cette pensée aussitôt au nom de tous les principes auxquels nous croyons, quelle difficulté de réaliser que souvent le raisonnement et la relation de cause à effet sont des inconnues qui se font cruellement sentir : première conclusion donc, pas vraiment moyen de se mêler aux locaux, à moins de tomber sur la perle rare. Allez à ce stade de mon compte rendu, certains sont désabusés, d’autres révoltés, sans oublier ceux qui sont horrifiés, alors je vous rassure on re-positive tout de suite donc restez, et lisez jusqu’au bout! Continuons avec les perles rares que je m’efforce de chercher en permanence, eh bien elles existent et j’ai eu la chance de rencontrer un congolais amoureux de son pays, tout aussi révolté que moi par ce qu’il voit, et qui a surmonté toutes les barrières tout en refusant de se résoudre à l’expatriation voire l’émigration. Un bonheur de pouvoir apprendre d’un congolais que l’espoir est là, et surtout le bonheur de se faire un ami de l’intérieur. Allez mais hormis de tels bols d’air frais quelle attitude adopter alors ? Faire le menaçant et intouchable, le juste mais sévère, et bien entendu rigoler en permanence. Le menaçant et intouchable pour dissuader toute personne mal intentionnée de venir nous importuner. Le juste mais sévère, pour inspirer le respect et la peur du gendarme, début de la sagesse comme tout le monde le sait. Rigoler alors? Oui et tout le temps je vous assure. Rigoler de voir que nos soucis et nos normes occidentales sont décidément bien futiles, rigoler de l’inventivité dont certains font preuve pour sous tirer de sous, rigoler de ces messes à rallonge qui tiennent plus du bal de village qu’autre chose et qui vous font passer une messe beat pour une blague de jésuite (rigoler de voir une amie déménager lorsqu’on a ouvert une église derrière chez elle par exemple). Sourire enfin en se disant que malgré toutes ces difficultés, nous arrivons à faire une petite différence ici, à tirer certaines personnes de leur misère, et se coucher le soir en se disant que même si le conducteur de la pirogue va nous réveiller par ses cris, il en faudra encore un peu plus pour nous décourager…un optimisme emprunt de naïveté ? Peut être. A toute épreuve? Jusqu’à ce que l’on craque c’est sûr, mais là d’autres prendront la relève et continueront sur la même lancée…je me contente de passer le flambeau.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Ne serait-ce que pour te divertir et surtout que tu te rappelles de nous . Tu as plonge dans le milieu et tu commences a creer ton monde. N'oublies pas que nous existons et sommes assoiffes de tes nouvelles. J'attends avec impatience que vienne Dimaanche pour te lire. Saluts a toi , a ceux qui sont a tes cotes, a tous les congolais, et congolaises.Bon courage et que Dieu vous benisse et vous donne la force de continuer a servir l'humante. Laisse quand memeune petite idee de rentrer pour nous revoir.Au revoir.
Nono

Anonyme a dit…

Salut Mario!
C'est bien d'avoir de tes nouvelles. On est sous la pluie mais ca n'a rien de tropical... On voit que l'intégration n'est pas une mince affaire, mais heureusement que tu gardes espoir. Pas évident d'écrire sur un blog, on n'est pas encore de supers bloggers mais ça viendra avec le temps.
Joyeux Noël, gros bisous et bon courage.
Ta Naka et ton Jamal

TheMalau a dit…

Moi je suis Congolais, et je voulais te dire que je suis impressioné par ton analyse de mes compatriotes. Tu sais je m'attendais a une analyse a la expatrié-colon, mais non. Je suis d'accord avec toi, on va devoir trouver un solution a ce phenomene terrible d'enfants sorciers... et a beaucoup d'autres choses aussi! Le probleme c'est que notre richesse miniere devient maintenant presqu'une malediction, tant elle attire des appetits predateurs...
Enfin, profites bien de ton temps la bas, okay? Et continue d'ecrire sur ton temps au Congo, ca fait plaisir, et ravive les souvenirs.

Anonyme a dit…

j ai une question pour vous , les congolais, ca vous fait rire les grosses tete des hommes blancs(les blancs qui ont une grosse tete)?

TheMalau a dit…

Les blancs nous font rires de plusieurs manieres... mais tout cela en parfaite humeur bon enfant, sauf quand ils n'ont pas seulement une grosse tete, mais LA grosse tete, :D

Anonyme a dit…

On est tous congolais, notre peau laiteuse n'est qu'un leurre.
Ravie de te lire..
Nedjma