18 septembre 2005

Une parenthèse nécessaire

Tout d’abord permettez-moi de vous recommander le lien suivant, qui vous emmènera sur le blog d’un première mission ACF, parti comme logisticien au Burundi depuis peu. Les bordelais d’entre vous reconnaîtront peut être Jan Schmidt Whithley promo 99. J’ai rencontré Jan en école de commerce, avec qui nous avons partagé beaucoup de musique, de rugby, et bien d’autres choses. Jan a effectué son CSNE en Turquie par la suite, s’est lancé dans un tour du monde, et a bourlingué ci et là avant d’atterrir chez ACF. Ses narratifs de voyage m’ont toujours fait décoller et je recommande à tout le monde son blog, avec ses récits passés et présents qui en valent largement le détour. Plaisir de nous voir dans la même famille à nouveau mon cher Jan, en espérant que nos chemins se croiseront au plus vite : http://jabla.over-blog.com Allez, reprise de contact après bientôt deux mois de silence. Qu’avez-vous loupé? La fin de mon calvaire avec l’arrivée de la nouvelle responsable de notre base support que j’essayais tant bien que mal de faire tourner en plus de la mienne et en l’absence d’expats depuis 6 semaines. Le responsable de cette dernière était parti fin juin en deux temps trois mouvements sans passation véritable, me laissant la joie de pallier à cette tâche. J’ai eu le soulagement début août donc d’accueillir sa remplaçante avec la quelle nous avons passé 10 jours en passation et formation en tous genres. Le 11 août je regagnais enfin mon bush chéri histoire de me replonger comme il fallait dans notre programme et retrouver tout ce pour quoi j’avais décidé de prolonger mon séjour au Congo. Etant rentré de mon dernier break le 15 mai j’avais droit à une semaine de vacances à partir du 15 Août…que j’ai finalement pris le 03 septembre contraintes de boulot obligent. Il faut reconnaître que ces trois derniers mois ont été tout aussi intenses que les 6 premiers réunis, et que ma santé physique et mentale commençait à en pâtir…si nous pouvons tous imaginer l’impact physique de bosser 7 jours sur 7 10 heures par jour pendant 3 mois environ, gardons une pensée pour Freddy Mercurie « I’m going slightly mad! » Il est devenu fou le Mario? Ben vous me direz quand vous me reverrez mais il est clair qu’être aussi isolé de ses racines, sa culture, et son environnement, tout en étant exposé à notre réalité humanitaire et à l’attentisme souvent absurde et parfois déprimant dont je parlais dans un de mes premiers récits postés sur ce blog...Quand vous expliquez à l’électricien qu’il vaut mieux débrancher le chargeur avant de l’ouvrir, que c’est bien la 10è remarque du genre, et qu’il vous répond ne vous inquiétez pas méssié Mario je suis très souple, croyez moi la boule elle commence à se perdre…c’est çà aussi sauver des vies! allez j’en vois rigoler et croyez moi on en rigole aussi sinon c’est pendaison directe, mais bon tout çà pour dire : il me fallait vraiment des vacances. Allez, tu es en Afrique, toutes ces destinations inconnues, excitantes à un coup d’avion! Les réserves du Swaziland, les plages de Zanzibar, les bars de Mozambique…que nenni les amis, même si j’y ai pensé, il me fallait revenir en territoire familier, européen, apaisant. Stop la nouveauté, il fallait reposer mon corps certes mais surtout mon cerveau : direction mon dernier lieu d’habitation connu avant le Congo, j’ai nommé Londres, pour une semaine!!! Petite pause là, et message aux londoniens qui lisent ce blog. Désolé de ne pas avoir fait signe, mais je me devais de rétablir la barre, souffler, et prendre du temps pour moi. Des vacances retrouvailles n’auraient pas fait avancer le schmilblick et quand je vois le résultat à présent je me dis que j’ai eu raison. Donc pas de soucis on se rattrape à la fin de l’année c’est promis. Bon comment çà s’est passé? Pas de mots pour décrire ce que j’ai ressenti pour être tout à fait franc avec vous. Cà a commencé à l’aéro de Bruxelles le dimanche matin ou j’ai bel et bien eu peur pendant une bonne vingtaine de minutes. Si je m’attendais à un choc, je ne m’attendais pas à avoir des frissons et vouloir me réfugier n’importe où loin de tous ces gens, ces bâtiments propres et ordonnés, et ce flot humain que j’avais bel et bien oublié! Ca a continué à Londres, je ne vous raconte pas le sprint entre le métro et mon ancienne maison. Les premières bouteilles de rosé dans notre jardin de Tournay Road (ceux qui connaissent comprendront) ont bien aidé mais ce n’est que le mercredi soir que tout est rentré dans l’ordre. Encore un pallier franchi dans le monde de l’humanitaire : gérer le retour à la normale. Rien de tout cela n’était anormal aux dires des anciens et des plus expérimentés, je m’en tire même mieux que d’autres apparemment, mais je suis soulagé car j’avais quelques craintes. Qu’allais je ressentir en revenant sur mes pas? De la colère face à l’indifférence générale et l’individualisme environnant? De la nostalgie d’une vie derrière moi mais tellement agréable. Une vie que je n’ai jamais quitté par dépit mais bien par choix. Me rappellerait elle, au point de remettre en cause le tournant que j’ai pris voilà bientôt 11 mois de cela? L’Afrique resterait elle présente aussi dans ma tête m’empêchant de faire la coupure dont j’avais tant besoin? Enfin qu’allais je ressentir face aux quelques personnes que j’aie revues? Allais je retrouver des amis, des inconnus, ou bien pire des gens avec qui je n’avais plus rien à voir? Eh bien rien de tout cela pour mon plus grand bonheur. Ce break était donc nécessaire, non seulement à titre de repos mais aussi à titre identitaire car s’il a confirmé que rien n’avait changé au niveau des convictions, de mon appartenance culturelle, il a aussi renforcé ce sentiment d’être tout simplement en mission en Afrique, aussi agréable qu’elle soit. Je me suis posé la question pendant longtemps de savoir à quel point j’avais assimilé la vie à l’africaine autant dans le quotidien que sur certaines considérations plus abstraites. La réponse est là : suffisamment pour prendre mon pied dans le travail et m’intégrer dans mon lieu de vie, et suffisamment pour me rendre compte que cette réalité ne serait la mienne que temporairement, me laissant en harmonie avec mes racines, ma famille et mes amis. Réaliser que l’assise qui m’a permis d’en arriver là était toujours aussi solide était la plus belle chose à récolter de cette semaine ma foi bien trop courte. Je me sens encore mieux que quand j’ai décidé de prolonger ma mission. Pourquoi? Car j’ai pris le recul nécessaire pour bien négocier les derniers mois qui me restent. Car je sais que mes vacances après cette mission et avant la prochaine seront optimales en termes de récupération, et que je ne passerai pas de temps à me demander ce qui m’arrive. Je n’ose imaginer mon état si j’étais rentré en Europe qu’en Janvier après 15 mois de Congo… pris l’avion le cœur encore plus léger, et avec un enthousiasme de même intensité mais tellement différent des derniers retours sur cette mission. Cela fait donc une semaine que je suis rentré et je m’envole demain aux aurores pour la brousse pour ne pas en ressortir avant début novembre! Elle n’est pas belle la vie? Pour info, c’est à présent officiel, je quitterai la mission Congo le samedi 30 décembre au soir. Passage à Londres d’une semaine pour débriefer, me livrer aux check-up médicaux de rigueur, puis la Syrie pour un bon mois histoire de retrouver mes géniteurs et consorts après deux ans d’absence. S’ensuivra un mois de février off que je compte mettre à contribution pour revoir un maximum d’entre vous, et je repartirai en mission début Mars. Prochaine destination? Quelques pistes, beaucoup idées, mais c’est bien trop loin pour l’instant…. Allez je vous en dirai plus la prochaine fois, mi-novembre Inch Allah! En attendant, si vous avez des sous qui traînent…. Donnez à Action Contre La Faim!

25 juillet 2005

C’est reparti pour un tour

Bon il s’en va le Mario ou bien il continue au Congo? Eh bien comme certains d’entre vous le savaient, le Mario avait décidé de partir, décidé à changer d’horizons de contexte et passer sur une autre mission. La raison? cramé tout simplement, me suis dit que j’allais passer a autre chose. C’est la que la providence se matérialisa sous la forme d’un plombage de dent qui sauta mercredi dernier a 7h du matin. Un avion du CICR passait par là et j’ai été évacué en urgence pour passer sous la fraise d’un dentiste congolais. 3 anesthésies plus tard me voilà coincé à Lubumbashi ma base support, en raison de l’absence d’avions coupé soudainement du programme de ma base et de tout ce qui s’ensuit. Bon j’ai décidé de partir, mais au fond de moi une hésitation persiste et je n’arrive pas à mettre le doigt sur la raison. M’étais senti tellement mieux en décidant de me barrer, je commençais même à faire des projets, et une nouvelle mission au Mali semblait se dégager du lot. Allez quelques jours de reflexion encore histoire d’avoir zéro regrets…si regrets il y a ? La providence se mua encore une fois en la présence de mon coordo log avec qui les discussions se sont prolongées dans les boîtes de Lubumbashi autour de quelques (nombre secret) Tembo tout en évitant les assauts des prostitutis particulièrement en forme. Mais de quoi voudrais je me désengager? Tout simplement de tous ces problèmes professionnels rendant mon travail pénible, et de la non réaction de mes collègues face à des situations fastidieuses que nous aurions pu anticiper ensemble. Mais la vraie raison derrière tous ces problèmes est en fait l’incapacité de notre siège à nous fournir les ressources humaines suffisantes pour garantir un minimum d’efficacité, nous nous retrouvons avec un concentré de premières missions à qui il manque bien évidemment l’expérience pour traiter les problèmes mais surtout la manière de façon à garder son rendement optimal…et sa stabilité nerveuse et mentale si vous voyez de quoi je parle. Mon problème est là, j’ai voulu couvrir ce manque et me disperser sur des points que je ne maîtrisais pas. Pas une perte de temps, mais vraiment pas la bonne manière de se préserver. De plus quel message donner à ces messieurs du siège? Que la situation est sous contrôle malgré tout. Effectivement mais au prix de mes nerfs de ma patience et sur du long terme de mon efficacité. Aussi, à chaque fois que j’ai du m’absenter de ma base, notre staff national a assuré comme si de rien n’était. Oui cela tourne au ralenti, oui il manque une supervision nécessaire, mais c’est tout simplement le prix à payer, et nous ne pouvons rien y changer. A mon sens, le point le plus important sur une mission est de donner au staff national toutes les responsabilités que celui ci est en mesure d’assumer, et surtout de transférer un maximum de connaissances de façon à les rendre autonomes. L’ultime succès d’une mission ACF reste à mon sens non pas le désengagement une fois notre travail terminé, mais bien une ONG locale constituée de ce même staff avec qui nous travaillons, qui se mue en ONG de développement durable. En quittant la mission a mi chemin mon travail à ce niveau restera bien incomplet. Pénaliser notre staff, en leur demandant encore plus de rendement (faut pas se leurrer sur mon remplacement avec les problèmes de recrutement que nous avons) avec encore moins d’outils: au vu de leur motivation et bonne volonté, ceci me pose problème. Enfin ais je vraiment fini d’apprendre sur cette mission? Toute cette merde peut-elle faire autre chose que me rebuter? Partir comme çà n’est ce pas par la petite porte? Le souvenir du rugby et du concept d’aller au charbon comme tout première ligne qui se respecte (que les non initiés excusent mon jargon) se rappelle à mon souvenir. Ne suis je pas en mesure de mettre la tête encore plus dedans et d’essayer de rétablir la barre? Les premières lignes au rugby sont affectés au travail obscur, et s’ils ne sont pas sous le feu des projecteurs, leurs co-équipiers savent a quel point leur travail est crucial et ce qu’il implique pour permettre aux autres de mettre en place le jeu. Assez d’ovalie, on s’est compris. C’est là que je vide ma bière, envoie la enième demoiselle de joie ballader et tranche : je reste. Non seulement je reste mais on va mettre les bouchées doubles. Une nouvelle chef de base arrive sur ma base support, peut etre que ce sera la personne avec qui je pourrai enfin travailler comme je l’entends : en équipe et de concert. Et si ce n’est pas le cas? Eh bien un challenge supplémentaire a relever…devais partir en break mi août pour me ressourcer? On zappe j’ai retrouvé la gnaque pas perdre encore une semaine alors que je suis éloigné de ma base depuis mercredi dernier et que ca ne vas pas s’arranger les jours qui suivent. Allez à tous ceux a qui j’ai dit que j’allais zapper et bientôt les revoir, excusez moi mais bon au vu de ce que je viens d’écrire vous comprendrez le pourquoi du comment. Les retrouvailles sont encore une fois repoussées à la fin de l’année mais c’est pour la bonne cause croyez moi. Au fait, il nous manque des expats et ca nous complique vachement les choses….seriez pas intéressés par hasard ? till the next time, ciao babies et n’oubliez pas donnez à ACF !

24 juillet 2005

Quelques images

Embourbé dans le bush en saison de pluies...cool non? C'est bibi supervisant la mise en place des buses de notre premier puits communautaire

23 juillet 2005

Des dangers d’une mission

Salam aleikoum people. Deux mois tout rond depuis ma dernière missive, et j’en suis désolé. Monitoring sécuritaire du 30 Juin, pilotes de brousse introuvables, programme de forage qui part en sucette (du prétubage 6 pouces diamètre in 160mm minimum vous avez ?), et enfin jonglage entre deux bases à cause d’un manque d’expats : vous comprenez maintenant. Plus sérieusement durant ces deux mois bon nombre d’entre vous se sont enquis de mes nouvelles à l’approche du 30 juin (date anciennement fatidique ou tout devait basculer) mais aussi lorsque les médias daignaient lâcher deux trois brèves sur ce pays oublié de tous. Merci les amis vous m’avez donné matière à écrire aujourd’hui, car en plus de vous rassurer j’aimerais vous parler de sécurité et des dangers auxquels nous faisons face et vous faire découvrir encore une facette de ce monde fascinant qu’est le mien depuis plus de 9 mois maintenant. Sécurité donc. Danger? pas vraiment, je dirais même le dernier point de la liste, aussi bizarre que cela puisse paraître. La gestion de la sécurité fait partie intégrante de mon travail au même titre que la logistique ou l’administration. Il faut faire en sorte que les équipes programmes puissent travailler dans des conditions optimales, et cela passe par un monitoring constant de la situation, un relevé régulier des indicateurs sécuritaires mais aussi politiques économiques et sociaux. Vient aussi la validation des rumeurs, informations et autres histoires que je récolte auprès des médias, de la population, de mon staff et des mes collègues expats. Enfin l’analyse et la prise conséquente de décisions. Si je suis responsable de la sécurité de ma base, mon coordinateur logistique est le responsable de la sécurité de l’ensemble de la mission. Nous sommes ainsi en contact quasi quotidien et c’est mon référent direct qui validera ou non (en collaboration avec la chef de mission) toute modification limitation ou encore interdiction que je jugerai bon de prendre. Quand on sait que ce dernier est passé par le Rwanda, le Soudan, l’Ethiopie, et la Somalie, vous comprendrez pourquoi la confiance que j’ai en ce dernier est proche de l’aveugle. Sécurité mais encore ? sans rentrer dans les détails (c’est confidentiel après tout) nous définissons un mode de fonctionnement propre à chaque situation, et déterminons chaque situation en fonction de paramètres propres au contexte. La sécurité ne se gère pas uniquement elle s’anticipe et cela va de l’acceptance auprès des différents acteurs (miliciens, armée) aux précautions d’usage. Que faire en cas d’attaque? Avons-nous de quoi tenir un siège le cas échéant? Comment et par où évacuer si évacuation il y a? voilà mon travail de responsable sécurité. Je la garantis à mon staff, à mes collègues expats, et…à moi-même. Rassurant tout cela non? Je terminerai cette partie en rappelant que la RDC n’est pas un pays ou la sécurité des expats est directement mise en cause. De plus, notre statut d’ONG nous confère une neutralité et une marge d’action qui est plus ou moins respectée. Charge à moi de la faire respecter lors de débordements d’ailleurs en brandissant notre charte notre drapeau et en ouvrant ma gueule pour remettre les choses en perspective, partie que je préfère au passage. Assez parlé boulot, contexte, et autres scénarios hypothétiques. D’autres dangers? Oui et par lesquels je me sens tellement plus concerné. Nous vivons en brousse coupés du monde sans Internet ou téléphone, loin de nos racines, nos amis, nos familles. Nous sommes 2 à 3 expats condamnés à passer l’intégralité de notre temps ensemble, sachant que nous venons d’horizons différents et sommes là pour des raisons toutes aussi différentes. Enfin nous sommes dans un environnement ou il n’y a rien à faire d’autre que travailler. Toute sortie de notre compound se transforme en ballade au zoo ou nous sommes les animaux, montres du doigt par petits et grands, suivis systématiquement par des hordes de gamin, et interpellés en permanence pour de l’argent du travail et je ne sais quoi d’autre. Même pas moyen de passer la nuit à l’extérieur à mater les étoiles vu les moustiques et la Malaria surtout qui guette. Dois je continuer ? l’ennemi ce n’est pas la machette ou le fusil d’assaut, mais bien nous même. Burnt Out en anglais retenez bien cette expression les amis car c’est notre souci à tous ici. Comment gérer tout ce que je viens d’énumérer, reconnaître les symptômes, y remédier ou pas? Une introspection sur vous-même vous tente, je ne vous conseillerais pas meilleure expérience. Point de mensonges ici, ni aux autres, ni a soi même, si tu ne gères pas tu te crames vitesse grand V. Alors comment gérer? Première chose savoir définir un espace de travail et un espace de vie. Je rappelle que sur un compound ces deux espaces empiètent facilement les uns sur les autres, et surtout le rappeler au staff aux autres expats et à soi même. Ensuite il faut savoir se fixer une heure de départ et une heure de fin sans oublier le jour obligatoire de repos ou on ne touche à son ordi que pour écouter de la musique. L’heure de fin tout le monde connaît, mais l’heure de départ? Ben quand on est en brousse pas grand chose a faire le soir donc c souvent dodo tôt pour un réveil encore plus tôt. Footing dans les champs au lever du jour je recommande, un peu de lecture au pieu, ou juste un peu de méditation dans la paillote en prenant son petit déjeuner ça marche. Manger et boire aussi….en Afrique on peut n’avoir rien à manger être en pleine jungle, mais il y a toujours de la bière locale. Donc voilà le topo a manger quelques fruits et légumes du poisson et de l’huile de palme… bien rougeâtre et légère. Et puis il y a donc de la Simba. Deux choses donc, gérer les appros bouffe de notre base support pour se garantir un équilibre alimentaire, et toutes les bouteilles que nous faisons venir pour varier les plaisirs ;-) Monitoring constant de notre consommation d’alcool pour ne pas tomber dedans quoi. Pour vous donner un exemple la cuisine italienne (je persiste à dire à ma collègue qu’elle s’est trompée de vocation) accompagnée de Piña Coladas on essaye de ne pas le faire tous les jours mais bon…ça tombe bien on se lève suffisamment tôt pour faire un footing ma conscience est rassurée! Dernière chose le quotidien bien évidemment. Les tensions pour des conneries, les prises de têtes que l’on reporte sur ses collègues, des frustrations professionnelles qui ressortent sur les mauvaises personnes et sa propre capacité à intégrer cela. Je ne suis pas dans le secret des recruteurs ACF, mais je ne suis pas encore tombé sur des timorés ou des gens réservés. La solution dans l’isolation et le silence. Savoir quand on doit arrêter de parler et savoir quand il faut se réfugier dans sa chambre fermer la porte et ne l’ouvrir qu’après un petit moment. Voilà donc le vrai danger à mon sens, et je terminerai en vous disant que cela fait un mois que je vis dans une sensation d’être arrivé au bout de ce que je pouvais endurer. Un mois que je n’arrive plus à faire tout ce que je viens d’écrire, un mois que je remets en cause ma présence sur cette mission. J’ai demandé officiellement un temps de réflexion pour voir si je suis vraiment cramé ou voir si je peux rebondir. J’ai donné ma réponse ce matin à mes supérieurs. Laquelle? je laisse ceux qui me connaissent supputer la dessus, réponse au prochain épisode dans quelques jours. Dernière parenthèse pour tous les anciens camarades de Mbandaka qui lisent ces lignes, la charmante bourgade a connu une mutinerie de militaires qui a dégénéré à l’arme lourde durant deux jours. Si tout est rentré dans l’ordre à présent, je dois malheureusement vous annoncer que la résidence ACF et la maison voisine MSF ont été complètement pillées et mises à sac à la congolaise. Il ne reste donc que les murs et encore. Les expats ont été brièvement bloqués là bas par les mutins avant d’être secourus par l’armée congolaise. Les UN ont bien entendu fait preuve d’une transparence totale vu que personne n’a vu leur contingent de la journée. Bref les amis il ne reste plus rien de Bongondjo, du squat avec vue sur le fleuve, de Choléra le chat ou de la corne d’Afrique. Gardez bien les photos et les souvenirs de toutes nos soirées passées là bas, car tout cela a été effacé en quelques heures… on garde la foi!

23 mai 2005

On se pose une minute là

Salut a tous, Un chti mois depuis ma dernière prose et pas des moindres puisque j’ai vécu une évacuation temporaire de ma brousse, un break de 10 jours dans la non moins dangereuse Durban (Afrique du Sud) et un meeting général à Kinshasa où je suis en ce moment avec l’ensemble des expats de la mission. Mais avant de commencer, un moment toujours aussi difficile, notre coordinateur médico-nutritionnel est parti après avoir terminé sa mission. Tout drôle de se dire que nos routes arrêtent de se croiser…Big up à toi Farid et vivement qu’elles se recroisent à nouveau! Bon j’en vois déjà froncer les sourcils à la notion d’évacuation temporaire, permettez-moi donc de rappeler que notre sécurité est gérée de manière préventive et nous avons été éloignés de notre base avec ma camarade expat pour une durée de dix jours à cause d’un risque potentiel de clashs milices-armée sur Malemba où nous sommes basés. Fort heureusement pour la population, pour notre staff, et pour notre programme il n’en a rien été, mais alors que nous étions repliés sur Lubumbashi, nous avons essuyé une tentative de sécession (rien de moins) de la province du Katanga alors que nous étions tranquillement occupés à terminés une bouteille de Chianti au sulfate à La Casa, restaurant italien tenu par le consul d’Italie au Congo (tout un programme je vous dis ce pays) Sécurité préventive donc…je rajouterais anticipation, mais surtout rassuré de voir que nous gérons toutes ces situations de la meilleure manière possible. A ce sujet je tiens à prévenir tout le monde, nous entrons dans une période fatidique au Congo qui est celle de l’avant et de l’après 30 juin. Pour faire très bref, cette date est la date butoir pour l’organisation des élections, qui n’auront (je vous le donne dans le mille) pas lieu. La conséquence est la prolongation de la transition qui règne au Congo depuis la fin de la guerre, et la prolongation de l’attente interminable de la population dont le sort n’a bien sûr fait que reculer depuis la fin de cette même guerre. Nous ne comptons plus les menaces, alertes sécu, et autres tentatives de troubles qui sans être d’envergure entretiennent la hantise d’un retour à l’horreur que ce pays a connu. Ajoutez-y les tensions ethniques, la misère, et les manipulations politiques nationales et internationales (of course) et vous avez un bien beau portrait de ce que nous vivons au quotidien désormais. Alors que prévoyons-nous ? Des troubles bien entendu…rien qui puisse dégénérer à grande échelle mais nous aurons sans doute quelques jours de repos forcés à la maison : Je vous donne donc en avant première ce que vous aurez largement le temps de suivre grâce aux médias. Aucune raison de s’inquiéter à ce moment là, surtout si je vais faire preuve de silence prolongé. En effet la brousse sera le parfait refuge le temps que tout cela passe, et je ne devrais pas faire signe de vie avant la mi juillet donc no worries babies, everything is under control. Qu’elle a changé ma vie en 7 mois, c’est la seule chose ou presque qui me vient à l’esprit en ce moment. Je suis en train de préparer une montée des périls, sur fond de centres de nutrition et de puits communautaires. Ce n’est pas tant mon quotidien ni la force de ce que je vis qui m’interpelle mais vraiment ce regard sur soi, hors contexte. Ce que je pensais être un nouveau départ n’est finalement qu’une métamorphose mais en quoi? La quête de cette réponse est de loin le travail d’introspection le plus remuant que j’ai pu faire…. Pourquoi je parle de métamorphose? Parce que j’ai tout simplement conscience que je prends une autre dimension dans ce monde. Moi qui étais généralement assez diplomatique (ou Faux cul selon les versions) me voici devenu sanguin comme je ne me connaissais pas. Moi qui lorgnais vers une certaine idée du collectif, me voici tenté par l’isolement (temporaire cela va de soi) le plus simple. Moi qui ne jurais que par le ballon ovale et la caisse de bois à six cordes, me voici délaissant ces passions au profit de…de quoi déjà? A y est le nerf de la guerre. De quoi déjà… mais bien sûr la réponse est là. De cet inconnu qui m’enveloppe, de cette motivation (ou absurdité au choix) qui pousse à aller la où personne ne veut aller, de cette paix d’esprit que me procure la joie de faire une différence, et de cette rage de voir toutes ces victimes périr. Pas une larme de versée jusque là, pourtant j’ai encore du mal à oublier certaines choses que je vois…des troubles? que Nenni! Du questionnement permanent…et avec les moustiques c’est pas évident croyez moi J Alors futur cœur de pierre professionnel? Si je ne ressentais plus rien je ne serais pas ici voyons. Mais je sens que lorsque je m’énerve dorénavant je le fais pour quelque chose qui en vaut la peine, et cela va d’un enfant cadavérique à l’incompétence d’autres expats. Je sens aussi que lorsque je ris c’est plus que jamais de bon cœur, et qu’est ce qu’on peut rire de par ici. De nous même, des autres expats, des locaux, de notre travail, et j’en passe et des meilleures! Mario tu nous emmerdes avec tes prises de tête… pourquoi ne pas appeler cela un nouveau départ? Eh bien tout simplement parce que dès que je reviens à la civilisation, ma priorité est un resto italien suivi d’un Wine And Cheese des familles, le tout entrecoupé d’un petit concert voire d’un match de rugby!!! Oui les amis, je pense souvent à nos retrouvailles non pas quand elles auront lieu, mais comment elles auront lieu. Mais çà n’a pas de sens? Tu viens de nous dire le contraire! Vraiment? Je vous laisse réfléchir là dessus en attendant la prochaine fois…

17 avril 2005

Congo Part 2

Salam a tous A y est retour de brousse après finalement huit semaines. Huit semaines coupé du monde avec pour seuls liens le télex avec ma base support, et les quelques rares moments ou nous arrivons à capter la radio. Huit semaines donc a bouffer du terrain et vous savez quoi ? Qu’est ce que c’est bon…allez je me lance. Malemba Nkulu donc, au milieu de nulle part accessible par le fleuve et par la piste de brousse qui permet aux petits porteurs de nous ravitailler et de nous transporter de et vers la civilisation. Un enclavement comme on en fait peu qui s’explique par la géographie, l’état des pistes (le mot route serait galvaudé) puis la saison des pluies restreignant voire paralysant certains déplacements. Aussi laissez entrer les acteurs j’ai nommé les hommes en vert (l’armée quoi) et les Maï Maï, nos chères milices qui refusent de déposer les armes et qui refusent d’accepter une autre justice que la leur. Pas vraiment la robe de juge d’ailleurs, plutôt l’alcool et les substances sur fond de jolies pétoires. Enfin les figurants, la malheureuse population pour qui quotidien rime avec rançonnement, harcèlement, voire viol et meurtre lorsque ces messieurs mettent du cœur à l’ouvrage. Figurants donc?Excellant dans les déplacements de population, et se réfugiant souvent dans les croyances traditionnelles et l’obscurantisme religieux pour résoudre leurs problèmes. ACF alors…nous essayons de faire une différence en soignant les enfants malnourris victimes de ces mouvements, lorsque les parents veulent bien les emmener dans nos centres. Enfin, nous essayons de créer et d’améliorer un accès à l’eau pour des villages qui parfois en connaissent à peine le goût. Bien sûr cela vaut lorsque les localités ne croient pas que nous allons réveiller les esprits en visitant leur source, et lorsque ces derniers réhabilitent les routes pour nous permettre de les atteindre. Charmant tableau donc dans lequel nous avançons au rythme de monitoring sécuritaire, de pannes radios, de voitures qui s’embourbent, et de fuel qui vient à manquer. Mon fils tu es un homme maintenant.. Pas vraiment papa mais je laisse pousser la barbe c’est un bon début (ben comme j’ai plus de cheveux). De l’intérieur donc, une base comme on en rêve, quand on en rêve. 45 personnes qui font tourner le bébé à merveille, des procédures respectées, une honnêteté à faire peur au congolais moyen, et un dévouement et qui permettent de surmonter au quotidien toutes les difficultés que j’ai exposées : le pourquoi du comment et la source de mon récent bonheur. Que l’Equateur me semble loin avec sa malhonnêteté, sa corruption, et sa paresse, et quel bonheur de ne pas avoir quitté le Congo sur les impressions négatives qui m’avaient mangé. Parlez-moi de nouvelles réalités, oui papa je grandis plus vite que prévu et je me prends des claques mais si je veux devenir un vrai huma faut bien faire son baptême du feu. Je ne ferai pas dans le voyeurisme ni dans la description graphique par respect pour tous les gens qui ne s’en sortent pas, tous les enfants qui meurent dans nos centres pour y avoir été emmenés trop tard, et surtout car chacun de nous comprend ceci à sa manière si jamais nous arriverons un jour à comprendre. Mais quel sadisme nous pousse à apprécier l’humanité dans ce qu’elle fait de plus pervers…eh bien le fait de se dresser contre tout ceci, et même parfois de changer les choses. Cette brousse mentale et physique a des effets thérapeutiques qu’on ne lui suspecterait pas…à reléguer un vieux débris réac en soutane blanche qui claque sa pipe au rang de curiosité pour touristes japonais en mal de sensations photographiques. J’ai même du mal à me souvenir de mon aversion pour monsieur Bush c’est vous dire. Oui les amis la brousse ça vous change un Mario en mieux.. J’espère! Vous m’en direz des nouvelles quand vous me verrez, mais pour l’instant je continue. Que nous mijote le Congo pour les mois à venir ? Que des bonnes choses à l’orée des élections qui n’auront pas lieu et de tout ce que cela va engendrer comme désordre en attendant pire. Des manipulations à but électoral qui feront des figurants dont je parlais des acteurs aguerris dans la misère quotidienne dont ils ne sont plus très loin. Jusque quand ces gens là vont ils être obligés de faire leurs gammes ? Loin des caméras, du tsunami, et du téléthon, va falloir attendre que ce soit encore plus costaud pour que quelqu’un les entende ces putains de gammes. En attendant, nous attendons. Quoi? Des budgets pardi ! La fin des manipulations, des pressions internationales, et peut être la décision d’un gros barbu dans un bureau qui débloquera quelques millions…on ferait vraiment une différence ? Je veux y croire, mais en attendant ce n’est pas mon boulot ni ma priorité. Je vous laisse donc, retourne dans la jungle pour en ressortir dans deux mois environ avec tout plein de choses. Contact dans huit semaines et si je peux avant. En attendant donnez à ACF si vous pouvez çà aiderait les figurants, bien plus que vous ne l’imaginez…ah oui un dernier truc. Je vais bien, plus que bien même, et merci pour tous les mails que j’ai trouvé dans ma boîte. Merci pour tout le soutien que vous me donnez, la brousse serait plus dure sans vous sincèrement. A bientôt tous et continuez à en balancer autant que vous pouvez. C’est votre contribution et pas des moindres. Ciao babies!

15 février 2005

And so we end a chapter

Mboté Na Bisso, Tout d’abord merci du fond du cœur à tous ceux qui se sont inquiétés de mon silence prolongé. Ca m’a fait chaud au cœur de lire autant de mails me demandant de communiquer un peu plus : pas fait exprès je vous jure et pour tout cela tout simplement merci! Allez nous sommes le 15 février et cela fait donc 6 semaines depuis ma dernière missive. Permettez moi donc d’inaugurer ce nouveau rythme de correspondance bi trimestrielle en ce lendemain de St Valentin, bien lointain de Mbandaka. Petit topo pour introduire le pourquoi du comment. Souvenez vous un mois tout rond après être arrive au Congo, je me suis retrouvé tout seul sur ma base avec pour obligation de pallier à l’absence d’un autre expat et de faire face à la charge de travail de deux personnes, le tout dans un contexte que j’ai eu bien du mal a apprécier. Les temps de réaction étant trop lents à mon goût, j’ai demandé donc de terminer ma mission mi avril et d’être réaffecté dans un autre pays, car si le travail restait passionnant, ma réalité ici faisait tout pour détruire le positif de ma mission. Je me suis alors vu proposer de rester chef de base ici, afin de m’occuper du projet et de l’Admin. et délaisser la log, ce que j’ai tout bonnement refusé, voulant absolument passer à autre chose. C’est là que la proposition parfaite est tombée : passer chef de base (par choix et non par défaut) sur notre base de Malemba Nkulu dans le Katanga (sud est du Congo) afin de travailler sur des programmes de nutrition et d’hygiène de l’eau. Je vais devoir superviser une dizaine de centres de nutrition, un programme de forage, une soixantaine de staff local, un véritable parc auto/moto …bref vous l’aurez compris on passe à la vitesse supérieure. Bonheur de me voir confier un projet pareil après quatre mois dans l’humanitaire et ravi de voir que tous les efforts de ces quatre premiers mois ont porté d’aussi beaux fruits. A une exception près toute mon équipe de coordination s’est prononcée en faveur de ce choix et je n’en ai été que plus touché. Deuxièmement, fin de la sécurité alimentaire pour laquelle je n’éprouvais pas spécialement d’atomes crochus et place à deux nouveaux domaines qui sont à l’origine de ma motivation pour l’humanitaire. Enfin joie de me retrouver dans une équipe expats de 4 personnes (deux ingénieurs et une nutritionniste) ce qui va me changer de la compagnie du chat : voilà pour mes premières impressions. Je vais en un an et quelques faire l’expérience de trois domaines des quatre sur lesquels nous intervenons (reste la santé primaire) autant dire un bon paquet d’expérience chez ACF. Je referme donc une parenthèse riche en enseignements professionnels et humains, d’où je tire énormément de satisfactions et de joies comme vous avez pu le suivre, mais aussi un certain nombre de frustrations de par la manière dont s’est déroulé mon séjour Mbandakais : l’humanitaire a beau s’être professionnalisé, et l’ère des Rambos et autres hippies a beau être loin derrière nous, il reste en chantier. Je prends conscience donc que nôtre tâche est double ; oui nous travaillons pour les autres, mais aussi pour nous-mêmes et pour ceux qui prendront le relais sur le terrain, de façon à leur fournir le support optimal en vue d’améliorer sans cesse leur sécurité et leur efficacité. Croyez moi toutes ces personnes qui se débattent au siège au rythme des incessants rapports, meetings et comptes rendus font tout sauf de l’esbroufe, mais arrêtons nous là pour l’instant et revenons à mes aventures congolaises. Je suis parti en break (on en a un tous les trois mois) le lundi 23 janvier après avoir bouclé notre activité 2004 relative au budget en cours et fait repartir toutes nos équipes (souvenez vous nous opérons sur 3 arrières bases dans tout l’Equateur) sur le terrain. Nous étions à une semaine de la fin du budget et toujours sans nouvelles quand au renouvellement de ce dernier. Ce petit con est finalement tombé le 31 janvier pour une année supplémentaire, nous allons donc non seulement continuer notre travail mais surtout s’éviter la pénible tâche de mettre 60 personnes au chômage, et mettre en branle le processus crève cœur de démantèlement et rapatriement de nos actifs. Mon break donc que j'ai passé au Caire en compagnie de la soeurette et de mes deux géniteurs...de la bouffe dans tous les sens, une bonne petite semaine pharaonique et nassérienne (rien nasser de s'obstruer l'canal disait la chanson mais ça c'est une autre histoire) et surtout la joie de retrouver un mode de vie civilisé avec de l'eau courante, de l'électricité, la télé avec des films....bref du plus que nécessaire pour repartir du bon pied! Après un passage très bref par Kinshasa, je suis revenu sur Mbandaka avec mon successeur et mon coordinateur logistique afin d’effectuer la passation et surtout d’évaluer les dégâts de quatre mois en sous effectif sur une base. Mes derniers moments à Mbandaka et je dois reconnaître que les sensations sont bizarres. Je vais me désengager totalement d’un projet que j’ai vécu intensément, et me détacher d’un staff avec qui nous avons vécu des choses très fortes. Une impression de déjà vécu…je repense à mon départ de Londres et cette relativisation couplée à un compte à rebours choisi mais plein d’inconnu : mes premiers pas dans ma nouvelle vie sans doute, et une émotion que je maîtriserai sûrement avec le temps, mais d’ici là je ne pourrai pas dire que je n’ai pas vibré. Déjà vécu aussi cette séparation avec les amis, MSF, ONU, et autres…des visages, des rires, des pleurs, des angoisses et j’en passe et des meilleures que nous avons vécu ensemble au rythme d’alertes sécuritaires, de tracasseries incessantes, mais aussi au rythme d’accomplissements collectifs et de résultats à vous donner toute la conviction pour continuer…que c’est dur et je repense à la rue Ketanou qui chante « on avance seuls sur la route…je continue coûte que coûte » allez prochain plongeon dans quelques jours. Retour jeudi sur Kinshasa, puis départ samedi pour Lubumbashi la deuxième grande ville du pays, ou je passerai deux jours sur notre base support, et lundi vol spécial pour Malemba Nkulu. Alors quid? Du Rock’n' roll si j’ai bien compris. J’aurai tout le temps de vous narrer nos activités là bas dès que j’aurai mis la tête dedans, mais en attendant sachez que je débarque en territoire Maï Maï, les fameuses milices armées qui contrôlent le coin avec tout leur réseau de chefs de guerre, au détriment d’une présence gouvernementale bien illusoire. Pas de danger sécuritaire notoire à relever, mais un contexte tout de même délicat où il faudra ménager certaines susceptibilités. Comme dit une collègue, non monsieur Maï Maï, laissez la machette à l’entrée s’il vous plaît…on va rigoler je vous le dis. Plus sérieusement, ACF est de loin le plus gros employeur de la région (province ?) notre champ d’action est aussi large que varié, et la corruption est bien réduite comparé à notre charmante province de l’Equateur : tout semble réuni pour constituer la mission idéale ? Suite au prochain épisode ;-) Maintenant notre gros inconvénient c’est que nous n’aurons ni téléphone ni Internet!!!! Oui les amis le manque de communication que je redoutais tant s’est enfin manifesté et ça va être comme qui dirait tendu pour vous alimenter en missives et autres comptes rendus ; en effet notre seul contact avec le monde extérieur sera le Télex avec notre base arrière, et le téléphone satellite à 15 Dollars la minute, utilisé uniquement pour les contacts sécuritaires. Côté vie nocturne et divertissements Malemba vous fait passer Mbandaka pour Lausanne…enfin bon je me comprends ! Heureusement que nous allons être quatre expats ACF là bas, car à part les deux du CICR nous allons être étrangement seuls…vous l’aurez compris un challenge supplémentaire et un test supplémentaire pour voir jusqu’ou je peux tenir : les expats déjà passés par là bas ont tous été charmés par l’expérience et il me tarde de pouvoir vous narrer tout cela. Un déplacement sur Lubumbashi est prévu toutes les six semaines pour notre santé mentale, et c’est là que je pourrai mettre à jour mon blog et lire tous vos mails, puis me tenir au courant de ce qui se passe dans le monde. Bon le CICR dispose d’une antenne satellite nous permettant de recevoir les news et surtout de regarder le rugby (pourvu qu’on s’entende bien) mais ce n’est pas garanti encore : wait and see! En attendant vous recevrez très prochainement un e mail de ma part avec ma nouvelle adresse mail et un petit update sur comment me faire parvenir de vos nouvelles. J’ai signé pour un an donc le Congo ce sera jusqu’en décembre, et j’espère rentrer au Moyen Orient / Europe pour les fêtes de fin d’année…en attendant ce sera au rythme des breaks que je verrai du pays : déjà l’Egypte et le Kenya pour une escale nocturne mémorable, au menu en avril l’Afrique du Sud (Durban ou Le Cap à définir suivant le déroulement de la Currie Cup) puis je reste ouvert pour juillet et octobre. Zanzibar? Mozambique? Namibie? Ah la la c’est pas évident je vous jure…allez sur ces quelques conneries je vous dis à plus que bientôt, prochain contact fin Mars ou vous saurez tout de mes premiers pas, en espérant qu’ils soient à la hauteur de mes espérances. Ah oui un dernier truc, donnez à Action Contre La Faim… Salam! PS : Amis rugbyphiles, j’ai la joie de vous annoncer que dimanche dernier j’étais devant mon téléviseur en train de regarder SS1 une chaîne sud africaine de sport qui m’a permis de voir notre cher XV de France mettre la (petite) raclée à nos chers rosbifs à Twickenham…ah la la cette action de Traille en deuxième mi temps qui en fixe quatre d’un coup on se serait cru en 2002 à nouveau…heureusement que Merceron avait déjà pris sa retraite…héhéhé, j’espère que je pourrai regarder France Galles, sinon je compte sur vous pour les comptes rendus. Enfin bon en ce qui me concerne on a niqué les anglais chez eux alors le reste du tournoi, vous pensez bien…

01 janvier 2005

Dernier message de l'année

Mboté na Bisso Tout d’abord désolé pour le silence radio de ces dernières semaines mais la charge de boulot à laquelle je fais face depuis que je me retrouve seul ici à Mbandaka (un mois et demi maintenant) me laisse vraiment très peu de temps de libre. Je vous écris d’ailleurs en ce premier jour de l’année ou la plupart d’entre vous se remettent de l’indigestion alimentaire et éthylique de la veille et de la semaine dernière …pas de répit pour le Mario qui aura bossé jusqu’à la dernière minute en ce mois de décembre (dont les quinze derniers jours sans pause)… Alors, profitant de toutes les clôtures usuelles de décembre, il est temps de dresser un petit bilan de ces trois mois dans l’humanitaire dont deux mois et demi au Congo. Côté professionnel, premier bonheur de travailler (enfin) pour Action Contre La Faim, dont les méthodes et des techniques développées sur les 25 dernières années nous permettent de fournir une aide intelligente, optimisée, et dotée de tous les outils de suivi nécessaires : on ne s’improvise vraiment plus humanitaire. Arrivé à Mbandaka, j’ai eu la tâche d’organiser et le deuxième bonheur de réussir à moi tout seul des distributions de Non Food Items pour 11500 ménages, touchant de la sorte entre 55 000 et 80 000 personnes, dans les territoires ex rebelles du Congo. J’ai ainsi travaillé sur la réception, l’acheminement, puis la distribution de ces intrants dans un contexte nouveau et difficile, sur des zones enclavées comme ce n’est pas permis. Rajoutez à cela les différentes tracasseries administratives et autres dont nous avons fait l’objet et vous comprendrez ma satisfaction. Enfin, initialement responsable d’une équipe de 16 personnes, j’en gère à présent une soixantaine, agissant comme chef de base, et donc me rajoutant des fonctions de responsable Admin et Programme : un touche à tout crevant, mais une expérience non négligeable qui me donne l’opportunité de faire mes preuves encore plus vite que prévu. Beaucoup de chemins de présentent à moi avec la nouvelle année qui commence et je ne suis que plus impatient de pouvoir les emprunter. Ma vie quotidienne, elle, s’est trouvée changée et bouleversée pour le mieux. Je reste plus que jamais convaincu et heureux de mon choix de vie. Convaincu de faire quelque chose dans lequel je me retrouve enfin, et heureux de rencontrer tous ces gens avec qui je partage ma vision des choses. Se laisser bercer par nos récits, partager ce que nous vivons, rêver à d’autres missions et d’autres horizons, mais aussi se soutenir moralement lorsque l’adversité prend (parfois) le dessus. En bien ou en mal, ce que je ressens et vis depuis trois mois n’a jamais été aussi fort et aussi vrai. Que notre petite cage dorée occidentale me semble loin, et qu’est ce que je me porte mieux surtout! Même les fêtes de fin d’année, traditionnellement occasion de retrouvailles entre famille et amis, se sont révélées à la hauteur de mes espérances. La solidarité inter ONGs que j’ai enfin ressenti, et la fraternité ACF - MSF plus précisément a agi comme le meilleur des palliatifs. Le 24 au soir c’était la résidence ACF qui recevait la crème des ONGs de Mbandaka autour d’un petit repas pas piqué des vers et quelques bonnes bouteilles…pas de quoi se laisser abattre croyez moi! Puis le 31 c’était au tour de MSF de me rendre la pareille, le tout entrecoupé de multiples soirées guitare pinard peinard agrémentées d’anecdotes du terrain et autres partages en tous genres. Qu’il a été dur de se dire au revoir, sachant que pour la plupart nous ne nous reverrions sans doute pas, mais l’espoir de voir nos routes se croiser à nouveau ici ou ailleurs ne fait que nous pousser toujours dans la même direction : à croire que c’est délibérément calculé! L’optimisme biaisé du Mario j’entends certains dire déjà…quid du revers de la médaille donc? Eh bien un revers malheureusement bien présent et qui fait énormément réfléchir comme vous allez le voir. Professionnellement d’abord, certaines décisions que j’ai bien du mal à comprendre. Faute de continuité dans notre financement par les bailleurs de fonds, je me retrouve seul sur ma base, sans respect d’aucune de nos procédures sécuritaires. Je dois faire face à la charge de travail de deux personnes pour une durée inconnue rendant tout notion d’efficacité obsolète. J’évolue aussi dans une province réputée pour la malhonnêteté et la paresse de ses gens, staff local, partenaires, ou autorités. Arriver dans un contexte pareil à quinze jours de la plus grosse pointe d’activité de notre programme ici (j’ai nommé les fameuses distributions) en sus de tous les cauchemars logistiques propres à cette région, est aussi une grossière erreur à mon sens. Oui tout se passe bien au final, mais j’ai commis des erreurs que j’aurais sans doute évité, et qui m’ont coûté du temps, de l’argent, et surtout qui ont mis mes nerfs à rude épreuve. Certes une ONG sans fonds propres comme la mienne est sujette à ce genre d’imprévus, mais ce qui me dérange dans tout cela est tout simplement le fait que je ne l’ai découvert qu’en arrivant sur place ; un mensonge par omission à mon sens. Si je l’avais su avant cela aurait t il changé ma décision de venir au Congo ? sûrement pas mais je me serais préparé différemment et j’aurais été prêt à endosser toutes ses responsabilités par choix, plutôt que par défaut. La négligence de tels paramètres et surtout l’absence de palliatifs temporaires qui auraient pu s’anticiper bien avant mon arrivée (mise en place d’un suivi à distance de certains dossiers…) sont bien dangereux pour une première mission, car pour me cramer et me rebuter de l’humanitaire on ne pouvait pas mieux s’y prendre. Merci à la providence de m’avoir fait débuter à Londres où j’ai rencontré des personnes exceptionnelles qui ont mis la barre très haut et qui m’ont donné suffisamment de foi pour reléguer ce qui m’arrive au rang d’erreur de passage : en trois mois j’en ai rencontré bien d’autres (chez ACF et chez les autres) qui l’ont perdu cette foi et plus d’un qui ont claqué la porte, dégoûtés par de tels choix bancals et des prises de positions aussi hasardeuses. A titre personnel, je ne peux m’empêcher de poser le débat sur notre rôle d’humanitaire et notre utilité ici au Congo Ouest, qui me font m’interroger sur la viabilité à long terme de notre présence. Nous formons des populations vulnérables à l’utilisation d’outils et d’intrants que nous leur distribuons, de même que nous les sensibilisons et les renseignons sur la raison de modifier certaines habitudes comportementales, le tout en respectant leurs différences culturelles. Mais nous nous heurtons à des tabous alimentaires et socio culturels bien plus grands que nos petites interventions, et nous prenons le risque de voir notre message devenir lettre morte et de réduire par conséquent notre rôle à celui de simples distributeurs. MSF ici a le même problème avec ses centres de santé qui n’arrive pas à évaluer l’ampleur des améliorations qu’en théorie ses derniers devraient produire. Oui notre activité et le nombre de personnes que nous touchons par notre action ne sont pas illusoires, mais nous nous heurtons à un manque de moyens assez délicat. Délicat car en l’absence de fonds pour assurer un suivi de meilleure qualité et plus approfondi nous courons deux risques : celui de ne pas connaître la portée exacte de notre action, puis celui de n’avoir qu’une portée limitée plus dangereuse qu’autre chose. Plus dangereuse pour une population qui s’habitue à une aide gratuite, pour elle normale, et plus dangereuse car lorsque nous sommes obligés de sélectionner des bénéficiaires parmi tous ceux dans le besoin, nous créons des tensions et des rancoeurs, que nous n’avons pas les moyens d’évaluer véritablement. Dans un pays plombé par l’attentisme le pillage et la corruption, une telle activité partielle et limitée par manque de moyens peut elle vraiment contribuer à améliorer la situation? Ne faudrait il pas donner la priorité à un travail de fond sur les mentalités et les croyances avant de pouvoir transmettre ce que nous voulons transmettre? Et si au lieu de se disperser, nous concentrions encore plus notre aide (et nos moyens) sur moins de projets mais qui seraient plus efficaces? faut il enfin revoir nos critères financiers minimum qui font que nous décidons d’intervenir ou pas? Déjà nous observons le désengagement de nombreux intervenants au profit de l’est du pays où par contre les besoins sont bien plus urgents : devons nous en faire de même ? Je ne suis que nouveau dans ce monde décidément bien plus compliqué que ce nous voudrions croire, mais le froid réalisme de notre professionnalisme doit avoir le dessus. Je m’en remets à mes supérieurs et malheureusement aux bailleurs de fonds qui dicteront la marche à suivre dans tous les cas. Car le véritable problème reste l’argent et la solidarité internationale. Que représentent les enveloppes allouées par les gouvernements à l’aide humanitaire ? et que représentent les donations de particuliers par rapport à leur pouvoir d’achat ? N’y a-t-il pas moyen de revoir ces montants à la hausse ? Attention je ne me veux surtout pas donneur de leçons, juste mettre en lumière certaines réalités que j’ai découvert ici, pour ne pas devenir un sparadrap sur une jambe de bois….