25 juillet 2005

C’est reparti pour un tour

Bon il s’en va le Mario ou bien il continue au Congo? Eh bien comme certains d’entre vous le savaient, le Mario avait décidé de partir, décidé à changer d’horizons de contexte et passer sur une autre mission. La raison? cramé tout simplement, me suis dit que j’allais passer a autre chose. C’est la que la providence se matérialisa sous la forme d’un plombage de dent qui sauta mercredi dernier a 7h du matin. Un avion du CICR passait par là et j’ai été évacué en urgence pour passer sous la fraise d’un dentiste congolais. 3 anesthésies plus tard me voilà coincé à Lubumbashi ma base support, en raison de l’absence d’avions coupé soudainement du programme de ma base et de tout ce qui s’ensuit. Bon j’ai décidé de partir, mais au fond de moi une hésitation persiste et je n’arrive pas à mettre le doigt sur la raison. M’étais senti tellement mieux en décidant de me barrer, je commençais même à faire des projets, et une nouvelle mission au Mali semblait se dégager du lot. Allez quelques jours de reflexion encore histoire d’avoir zéro regrets…si regrets il y a ? La providence se mua encore une fois en la présence de mon coordo log avec qui les discussions se sont prolongées dans les boîtes de Lubumbashi autour de quelques (nombre secret) Tembo tout en évitant les assauts des prostitutis particulièrement en forme. Mais de quoi voudrais je me désengager? Tout simplement de tous ces problèmes professionnels rendant mon travail pénible, et de la non réaction de mes collègues face à des situations fastidieuses que nous aurions pu anticiper ensemble. Mais la vraie raison derrière tous ces problèmes est en fait l’incapacité de notre siège à nous fournir les ressources humaines suffisantes pour garantir un minimum d’efficacité, nous nous retrouvons avec un concentré de premières missions à qui il manque bien évidemment l’expérience pour traiter les problèmes mais surtout la manière de façon à garder son rendement optimal…et sa stabilité nerveuse et mentale si vous voyez de quoi je parle. Mon problème est là, j’ai voulu couvrir ce manque et me disperser sur des points que je ne maîtrisais pas. Pas une perte de temps, mais vraiment pas la bonne manière de se préserver. De plus quel message donner à ces messieurs du siège? Que la situation est sous contrôle malgré tout. Effectivement mais au prix de mes nerfs de ma patience et sur du long terme de mon efficacité. Aussi, à chaque fois que j’ai du m’absenter de ma base, notre staff national a assuré comme si de rien n’était. Oui cela tourne au ralenti, oui il manque une supervision nécessaire, mais c’est tout simplement le prix à payer, et nous ne pouvons rien y changer. A mon sens, le point le plus important sur une mission est de donner au staff national toutes les responsabilités que celui ci est en mesure d’assumer, et surtout de transférer un maximum de connaissances de façon à les rendre autonomes. L’ultime succès d’une mission ACF reste à mon sens non pas le désengagement une fois notre travail terminé, mais bien une ONG locale constituée de ce même staff avec qui nous travaillons, qui se mue en ONG de développement durable. En quittant la mission a mi chemin mon travail à ce niveau restera bien incomplet. Pénaliser notre staff, en leur demandant encore plus de rendement (faut pas se leurrer sur mon remplacement avec les problèmes de recrutement que nous avons) avec encore moins d’outils: au vu de leur motivation et bonne volonté, ceci me pose problème. Enfin ais je vraiment fini d’apprendre sur cette mission? Toute cette merde peut-elle faire autre chose que me rebuter? Partir comme çà n’est ce pas par la petite porte? Le souvenir du rugby et du concept d’aller au charbon comme tout première ligne qui se respecte (que les non initiés excusent mon jargon) se rappelle à mon souvenir. Ne suis je pas en mesure de mettre la tête encore plus dedans et d’essayer de rétablir la barre? Les premières lignes au rugby sont affectés au travail obscur, et s’ils ne sont pas sous le feu des projecteurs, leurs co-équipiers savent a quel point leur travail est crucial et ce qu’il implique pour permettre aux autres de mettre en place le jeu. Assez d’ovalie, on s’est compris. C’est là que je vide ma bière, envoie la enième demoiselle de joie ballader et tranche : je reste. Non seulement je reste mais on va mettre les bouchées doubles. Une nouvelle chef de base arrive sur ma base support, peut etre que ce sera la personne avec qui je pourrai enfin travailler comme je l’entends : en équipe et de concert. Et si ce n’est pas le cas? Eh bien un challenge supplémentaire a relever…devais partir en break mi août pour me ressourcer? On zappe j’ai retrouvé la gnaque pas perdre encore une semaine alors que je suis éloigné de ma base depuis mercredi dernier et que ca ne vas pas s’arranger les jours qui suivent. Allez à tous ceux a qui j’ai dit que j’allais zapper et bientôt les revoir, excusez moi mais bon au vu de ce que je viens d’écrire vous comprendrez le pourquoi du comment. Les retrouvailles sont encore une fois repoussées à la fin de l’année mais c’est pour la bonne cause croyez moi. Au fait, il nous manque des expats et ca nous complique vachement les choses….seriez pas intéressés par hasard ? till the next time, ciao babies et n’oubliez pas donnez à ACF !

24 juillet 2005

Quelques images

Embourbé dans le bush en saison de pluies...cool non? C'est bibi supervisant la mise en place des buses de notre premier puits communautaire

23 juillet 2005

Des dangers d’une mission

Salam aleikoum people. Deux mois tout rond depuis ma dernière missive, et j’en suis désolé. Monitoring sécuritaire du 30 Juin, pilotes de brousse introuvables, programme de forage qui part en sucette (du prétubage 6 pouces diamètre in 160mm minimum vous avez ?), et enfin jonglage entre deux bases à cause d’un manque d’expats : vous comprenez maintenant. Plus sérieusement durant ces deux mois bon nombre d’entre vous se sont enquis de mes nouvelles à l’approche du 30 juin (date anciennement fatidique ou tout devait basculer) mais aussi lorsque les médias daignaient lâcher deux trois brèves sur ce pays oublié de tous. Merci les amis vous m’avez donné matière à écrire aujourd’hui, car en plus de vous rassurer j’aimerais vous parler de sécurité et des dangers auxquels nous faisons face et vous faire découvrir encore une facette de ce monde fascinant qu’est le mien depuis plus de 9 mois maintenant. Sécurité donc. Danger? pas vraiment, je dirais même le dernier point de la liste, aussi bizarre que cela puisse paraître. La gestion de la sécurité fait partie intégrante de mon travail au même titre que la logistique ou l’administration. Il faut faire en sorte que les équipes programmes puissent travailler dans des conditions optimales, et cela passe par un monitoring constant de la situation, un relevé régulier des indicateurs sécuritaires mais aussi politiques économiques et sociaux. Vient aussi la validation des rumeurs, informations et autres histoires que je récolte auprès des médias, de la population, de mon staff et des mes collègues expats. Enfin l’analyse et la prise conséquente de décisions. Si je suis responsable de la sécurité de ma base, mon coordinateur logistique est le responsable de la sécurité de l’ensemble de la mission. Nous sommes ainsi en contact quasi quotidien et c’est mon référent direct qui validera ou non (en collaboration avec la chef de mission) toute modification limitation ou encore interdiction que je jugerai bon de prendre. Quand on sait que ce dernier est passé par le Rwanda, le Soudan, l’Ethiopie, et la Somalie, vous comprendrez pourquoi la confiance que j’ai en ce dernier est proche de l’aveugle. Sécurité mais encore ? sans rentrer dans les détails (c’est confidentiel après tout) nous définissons un mode de fonctionnement propre à chaque situation, et déterminons chaque situation en fonction de paramètres propres au contexte. La sécurité ne se gère pas uniquement elle s’anticipe et cela va de l’acceptance auprès des différents acteurs (miliciens, armée) aux précautions d’usage. Que faire en cas d’attaque? Avons-nous de quoi tenir un siège le cas échéant? Comment et par où évacuer si évacuation il y a? voilà mon travail de responsable sécurité. Je la garantis à mon staff, à mes collègues expats, et…à moi-même. Rassurant tout cela non? Je terminerai cette partie en rappelant que la RDC n’est pas un pays ou la sécurité des expats est directement mise en cause. De plus, notre statut d’ONG nous confère une neutralité et une marge d’action qui est plus ou moins respectée. Charge à moi de la faire respecter lors de débordements d’ailleurs en brandissant notre charte notre drapeau et en ouvrant ma gueule pour remettre les choses en perspective, partie que je préfère au passage. Assez parlé boulot, contexte, et autres scénarios hypothétiques. D’autres dangers? Oui et par lesquels je me sens tellement plus concerné. Nous vivons en brousse coupés du monde sans Internet ou téléphone, loin de nos racines, nos amis, nos familles. Nous sommes 2 à 3 expats condamnés à passer l’intégralité de notre temps ensemble, sachant que nous venons d’horizons différents et sommes là pour des raisons toutes aussi différentes. Enfin nous sommes dans un environnement ou il n’y a rien à faire d’autre que travailler. Toute sortie de notre compound se transforme en ballade au zoo ou nous sommes les animaux, montres du doigt par petits et grands, suivis systématiquement par des hordes de gamin, et interpellés en permanence pour de l’argent du travail et je ne sais quoi d’autre. Même pas moyen de passer la nuit à l’extérieur à mater les étoiles vu les moustiques et la Malaria surtout qui guette. Dois je continuer ? l’ennemi ce n’est pas la machette ou le fusil d’assaut, mais bien nous même. Burnt Out en anglais retenez bien cette expression les amis car c’est notre souci à tous ici. Comment gérer tout ce que je viens d’énumérer, reconnaître les symptômes, y remédier ou pas? Une introspection sur vous-même vous tente, je ne vous conseillerais pas meilleure expérience. Point de mensonges ici, ni aux autres, ni a soi même, si tu ne gères pas tu te crames vitesse grand V. Alors comment gérer? Première chose savoir définir un espace de travail et un espace de vie. Je rappelle que sur un compound ces deux espaces empiètent facilement les uns sur les autres, et surtout le rappeler au staff aux autres expats et à soi même. Ensuite il faut savoir se fixer une heure de départ et une heure de fin sans oublier le jour obligatoire de repos ou on ne touche à son ordi que pour écouter de la musique. L’heure de fin tout le monde connaît, mais l’heure de départ? Ben quand on est en brousse pas grand chose a faire le soir donc c souvent dodo tôt pour un réveil encore plus tôt. Footing dans les champs au lever du jour je recommande, un peu de lecture au pieu, ou juste un peu de méditation dans la paillote en prenant son petit déjeuner ça marche. Manger et boire aussi….en Afrique on peut n’avoir rien à manger être en pleine jungle, mais il y a toujours de la bière locale. Donc voilà le topo a manger quelques fruits et légumes du poisson et de l’huile de palme… bien rougeâtre et légère. Et puis il y a donc de la Simba. Deux choses donc, gérer les appros bouffe de notre base support pour se garantir un équilibre alimentaire, et toutes les bouteilles que nous faisons venir pour varier les plaisirs ;-) Monitoring constant de notre consommation d’alcool pour ne pas tomber dedans quoi. Pour vous donner un exemple la cuisine italienne (je persiste à dire à ma collègue qu’elle s’est trompée de vocation) accompagnée de Piña Coladas on essaye de ne pas le faire tous les jours mais bon…ça tombe bien on se lève suffisamment tôt pour faire un footing ma conscience est rassurée! Dernière chose le quotidien bien évidemment. Les tensions pour des conneries, les prises de têtes que l’on reporte sur ses collègues, des frustrations professionnelles qui ressortent sur les mauvaises personnes et sa propre capacité à intégrer cela. Je ne suis pas dans le secret des recruteurs ACF, mais je ne suis pas encore tombé sur des timorés ou des gens réservés. La solution dans l’isolation et le silence. Savoir quand on doit arrêter de parler et savoir quand il faut se réfugier dans sa chambre fermer la porte et ne l’ouvrir qu’après un petit moment. Voilà donc le vrai danger à mon sens, et je terminerai en vous disant que cela fait un mois que je vis dans une sensation d’être arrivé au bout de ce que je pouvais endurer. Un mois que je n’arrive plus à faire tout ce que je viens d’écrire, un mois que je remets en cause ma présence sur cette mission. J’ai demandé officiellement un temps de réflexion pour voir si je suis vraiment cramé ou voir si je peux rebondir. J’ai donné ma réponse ce matin à mes supérieurs. Laquelle? je laisse ceux qui me connaissent supputer la dessus, réponse au prochain épisode dans quelques jours. Dernière parenthèse pour tous les anciens camarades de Mbandaka qui lisent ces lignes, la charmante bourgade a connu une mutinerie de militaires qui a dégénéré à l’arme lourde durant deux jours. Si tout est rentré dans l’ordre à présent, je dois malheureusement vous annoncer que la résidence ACF et la maison voisine MSF ont été complètement pillées et mises à sac à la congolaise. Il ne reste donc que les murs et encore. Les expats ont été brièvement bloqués là bas par les mutins avant d’être secourus par l’armée congolaise. Les UN ont bien entendu fait preuve d’une transparence totale vu que personne n’a vu leur contingent de la journée. Bref les amis il ne reste plus rien de Bongondjo, du squat avec vue sur le fleuve, de Choléra le chat ou de la corne d’Afrique. Gardez bien les photos et les souvenirs de toutes nos soirées passées là bas, car tout cela a été effacé en quelques heures… on garde la foi!