05 décembre 2004

Moi je suis congolais, et toi?

Salut a tous, Cette fois je démarre par des salutations en français et non pas en Lingala, pour vous parler…des congolais justement. La question revient souvent, Mario vous êtes des néo colonialistes entre vous, ou bien vous fréquentez des congolais? Et ces derniers ils sont comment ? Et les congolaises? Face à toutes ces questions je me dois de vous faire un petit topo sur les autochtones dont la singularité est le seul qualificatif que je puisse leur associer tant il m’est difficile de résumer ces grands moments que sont nos échanges. Quels sont les traits de caractère des congolais déjà? Eh bien sachez tout d’abord que c’est un peuple qui a connu toutes les horreurs possibles et imaginables, du pillage à la guerre à la famine…je ne m’attarde pas sur les récits de l’époque ou sur certaines séquelles physiques particulièrement visibles lors de déplacements en territoires ex rebelles (la cicatrice sur la tête c’est quoi? un massacre avorté à la hache…) il en résulte un fatalisme et un attentisme déprimant et de ces derniers découle un individualisme, véritable poison de ce pays où la notion d’intérêt collectif a disparu depuis belle lurette. J’en vois quelques uns se dire, il est gentil le Mario, mais quelle autre attitude espérer? Ben tout simplement un cynisme à toute épreuve qui permettrait de rigoler au lieu d’attendre que ça se passe, et qui se muerait en un état d’esprit collectif aux vertus curatives. Je ne m’attarde pas plus sur le sujet, ce blog n’est pas un forum mais simplement le reflet de mon petit cerveau de blanc (enfin marron plutôt mais bon) : je pose le décor tel que je le perçois et je le vis surtout. D’entrée de jeu, je me suis vu contraint d’éliminer de mon dictionnaire toutes les personnes (les riches comme les moins riches) qui ne louchaient que sur mon portefeuille et qui venaient systématiquement me voir pour me demander de l’argent, une faveur, ou encore tout bien que je pourrais leur donner (sollicitations allant de quelques casseroles à ma voiture)…ironie du sort, les ONGs (toujours à la traîne niveau sous) sont ici les plus gros employeurs et vues comme des mini Fort Knox…no comment! Quid des autres alors? Eh bien sachez qu’il faut se rendre à l’évidence, les barrières culturelles que nous considérons souvent comme des artefacts de l’establishment sont des réalités bien troublantes, car tant de choses nous séparent. D’abord l’éducation, l’école, le voyage ne sont que des mots ici, rendant toute base commune de discussion difficile. Ensuite, des pratiques telles que la polygamie, bien plus que tolérée, ajoutent leur pierre à l’édifice qui nous sépare, et la cerise sur le gâteau reste la religion. Le christianisme dans toute sa splendeur colonialiste se voit couplé à la sorcellerie et autres croyances occultes pour donner des résultats qui donnent la frousse. Que certains croient que les pygmées jettent des mauvais sorts aux gens s’ils sont mécontents, soit. Que d’autres croient aux hommes crocodiles qui vous entraînent au fond du fleuve et vous font travailler pour l’éternité soit, mais quand la majorité croient aux enfants sorciers et font porter à leur propre progéniture la responsabilité de la misère familiale, là ça devient une autre paire de manches. Ces enfants sont tout simplement jetés hors de leurs maison et vont gonfler les rangs des Tchegués, les enfants des rues, aussi dangereux que désespérés. Oui croyance et pauvreté voila les deux véritables fléaux qui ravagent la société congolaise. Pauvreté dis je, horreur quotidienne des femmes surtout…oui des femmes, souvent seules membres du foyer à travailler. C’est « marrant » d’ailleurs de constater que seuls les hommes et les enfants quémandent…quitte a rester dans le très gai autant continuer avec ces filles virées de l’école par leurs professeurs pour avoir repoussé les avances de ces derniers, ces autres filles qui échangent leurs corps contre un simple repas parfois (la tristement célèbre prostitution au sens large), et celles qui combinent les études, le travail de jour, et la passe de nuit : oui un bien triste portrait d’une société toute aussi désespérante qu’impénétrable. Néo colonialisme donc? Véritable casse tête pour nous tous ici je vous assure, car à un moment ou un autre la très désagréable sensation de supériorité nous effleure…. je pense qu’il faut être honnête et le reconnaître, même si nous chassons cette pensée aussitôt au nom de tous les principes auxquels nous croyons, quelle difficulté de réaliser que souvent le raisonnement et la relation de cause à effet sont des inconnues qui se font cruellement sentir : première conclusion donc, pas vraiment moyen de se mêler aux locaux, à moins de tomber sur la perle rare. Allez à ce stade de mon compte rendu, certains sont désabusés, d’autres révoltés, sans oublier ceux qui sont horrifiés, alors je vous rassure on re-positive tout de suite donc restez, et lisez jusqu’au bout! Continuons avec les perles rares que je m’efforce de chercher en permanence, eh bien elles existent et j’ai eu la chance de rencontrer un congolais amoureux de son pays, tout aussi révolté que moi par ce qu’il voit, et qui a surmonté toutes les barrières tout en refusant de se résoudre à l’expatriation voire l’émigration. Un bonheur de pouvoir apprendre d’un congolais que l’espoir est là, et surtout le bonheur de se faire un ami de l’intérieur. Allez mais hormis de tels bols d’air frais quelle attitude adopter alors ? Faire le menaçant et intouchable, le juste mais sévère, et bien entendu rigoler en permanence. Le menaçant et intouchable pour dissuader toute personne mal intentionnée de venir nous importuner. Le juste mais sévère, pour inspirer le respect et la peur du gendarme, début de la sagesse comme tout le monde le sait. Rigoler alors? Oui et tout le temps je vous assure. Rigoler de voir que nos soucis et nos normes occidentales sont décidément bien futiles, rigoler de l’inventivité dont certains font preuve pour sous tirer de sous, rigoler de ces messes à rallonge qui tiennent plus du bal de village qu’autre chose et qui vous font passer une messe beat pour une blague de jésuite (rigoler de voir une amie déménager lorsqu’on a ouvert une église derrière chez elle par exemple). Sourire enfin en se disant que malgré toutes ces difficultés, nous arrivons à faire une petite différence ici, à tirer certaines personnes de leur misère, et se coucher le soir en se disant que même si le conducteur de la pirogue va nous réveiller par ses cris, il en faudra encore un peu plus pour nous décourager…un optimisme emprunt de naïveté ? Peut être. A toute épreuve? Jusqu’à ce que l’on craque c’est sûr, mais là d’autres prendront la relève et continueront sur la même lancée…je me contente de passer le flambeau.

28 novembre 2004

Ecarte les rideaux on démarre le show

Mboté na bisso, Allez cette fois on ne parle pas travail, on ne parle pas tracasseries, on oublie les chocs culturels, et on s’attaque à la vie à Mbandaka en diurne et/ou nocturne. Je dis bien et/ou nocturne car la notion de journée est à remettre dans le contexte…souvenez vous, le bled n’a pas d’électricité et les gens vivent au rythme du soleil qui se lève dès 5h00 du matin pour se coucher vers 17h00. C’est ainsi que je me lève vers 6h30 au son des pirogues sur le fleuve, et des congolais dont le volume sonore normal reste bien élevé à de telles heures…la vie commence à s’arrêter après 17 heures pour faire place aux marchés nocturnes tout illuminés de lampes à pétrole qui jalonnent la route comme des centaines de grosses lucioles : superbe! On trouve généralement des ramboutans (gros lychees) des pilolis (petits gâteaux à base de farine de maïs) des arachides (miam) de la canne à sucre, et surtout du Loto Ko la fameuse eau de vie de maïs (j’ai toujours peur de goûter pour ceux qui s’interrogent). Il faut savoir que la recrudescence de cet alcool à une telle heure correspond au retrait des forces de police qui en temps normal empêchent cette vente afin d’éviter l’alcoolisme matinal…c toujours mieux de les voir bourrés a 20h qu’a 14h mais bon, je vous laisse méditer sur la question. Les mbandakais vont se coucher progressivement et la ville meurt totalement à minuit grand maximum. C’est là qu’une ballade en voiture se révèle des plus agréables d’ailleurs au milieu de la végétation équatoriale, avec des jeux d’ombre et une facilité de circuler qui donnent cette impression d’être le maître des lieux pour quelques heures, avant le retour des piétons, des vélos, et de tout ce qui va avec. Mbandaka était une ville très agréable dans les années 60 aux dires des anciens. On y trouvait des théâtres, des cinémas, des restaurants des bistrots…si cela vous semble banal, je peux vous assurer qu’il est difficile de le concevoir aujourd’hui tant cette dernière est aujourd’hui délabrée, et tient debout par un mélange de providence, d’instinct de survie (ayant remplacé le bon sens depuis belle lurette), et d’héritage colonial ayant survécu aux pillages et autres horreurs de la guerre. Il reste donc très précisément deux restaurants à l’hygiène douteuse servant à manger, l’auberge justement et maman Odile (mais incompatibles avec mon régime végétarien), puis deux bars, un ou les expats ne mettent pas les pieds (je pense y aller donc bientôt) et le fameux 222. J’avais placé de gros espoirs sur ce dernier, haut lieu de rencontre des expats m’avait on dit, pensant qu’il deviendrait mon repère et/ou mon bureau annexe… ma première visite m’a vite fait déchanter par la présence exacerbée de prostituées et de leur clientèle, j’ai nommé le contingent uruguayen (nous y reviendrons) Ayant décidé de boycotter dans un premier lieu cet endroit, j’ai compris ensuite que ces messieurs n’y sont pas toute la semaine: à voir donc! Voila, le décor est planté et je dois reconnaître qu’il m’a été difficile de m’adapter au début, mais cela fait maintenant 6 semaines que je suis là et j’ai trouvé un rythme de croisière assez sympa. Mes compagnons d’abord. J’ai eu la chance d’avoir mon prédécesseur avec moi pendant 10 jours au début, puis ma collègue chef de projet pendant un mois et je dois reconnaître que l’adversité dans laquelle nous sommes a contribué à développer une amitié assez particulière que je crois solide : à confirmer donc mais quand je vois ce que j’ai vécu au quotidien de rires, tensions et autre, il me semble difficile de qualifier nos rapports de relations mondaines…wait and see! Je suis le seul expat ACF depuis deux semaines à Mbandaka car la chef de projet étant partie à Kinshasa pour devenir chef de mission, et dans l’expectative de budgets qui se font décidément bien attendre, son poste ici reste vacant pour l’instant. Les journées sont plus longues certes, mais mes bouquins, CDs, et notre résidence avec vue sur le fleuve rend cette solitude dans laquelle j’avais peur de tomber complètement illusoire : qu’est ce qu’on est bien à taper ses mails en regardant le fleuve, avec un petit Miles Davis en fond…héhéhé. Il n’y a pas qu’ACF dans l’humanitaire, il y a aussi Médecins Sans Frontières, la croix rouge, les UN, non ? Je ne sais que répondre…. Il est vrai que je suis arrivé dans l’humanitaire en imaginant une fratrie expat inter ONG modèle de tolérance et de solidarité, mais je suis tombé de bien haut…en dehors de quelques individualités (avec qui je traîne) personne ne fait un effort vers l’autre. Les expats semblent se plaire dans leur tour d’ivoire, délimitant leur univers par le mandat de leurs organismes respectifs, et développant une certaine ignorance de l’autre au nom d’un pseudo élitisme qui est à l’antipode de ce que les humanitaires devraient être à mon sens. Nous sommes donc quelques uns à nous retrouver, et notre quotidien se trouve parfois agrémenté par la visite d’expats de passage, un bol d’air frais comme vous le devinez : compagnons d’un jour ou d’un année, pour paraphraser Mano Solo, dont l’éphémère autant que la sincérité donne à notre vie ici un côté bohème dans lequel une fois de plus je me retrouve. Viennent alors les UN….ah la la je ne saurais par ou commencer moi qui était fasciné par cette organisation. Tous les humas que j’avais rencontré jusque là m’avaient tous fait part de leur dégoût pour ces derniers et j’attendais de voir par même : ils avaient donc raison…les UN sont un pot pourri de nationalités ou les quotas semblent primer sur le professionnalisme, et ou les critères de sélection éthiques ou autres sont totalement absents. Un humanitaire se doit de véhiculer un certain nombre de valeurs au quotidien et qu’est ce qu’il est difficile de le faire lorsque nous voyons ces messieurs, parfois à peine éduqués, plus concernés par les péripatéticiennes que leur boulot, provoquant haine et incompréhension de la part de la population ; bien entendu confusion aidant, nous sommes tous mis dans le même sac, et je vous assure que mes fameuses envies de strangulation reviennent souvent. La question en fait est : que font ils ? Ils sont chargés d’organiser les élections au Congo et rien n’est prêt mais alors la vraiment rien…dois je continuer? En fait oui je vais terminer par leurs militaires en faction ici. Il faut savoir que les UN sous traitent avec des armées pas chers du tiers monde, nous gratifiant donc de la présence d’êtres d’exception. Nous avions les boliviens ici, partis pour pédophilie preuves à l’appui, nous avons aujourd’hui des uruguayens qui passent leur journée à se relayer entre leur camps barbelés et leur port. Mais que gardent ils ? Les UN ont leur Military Police que diable. Ils doivent être là pour soutenir l’économie locale, car avec leur Per Diem largement supérieur au nôtre, ce sont eux qui fixent les tarifs de la passe. Que cela arrive soit, ce sont des militaires après tout, faut pas leur en demander plus. Mais quand on apprend ce que sont payées ces pauvres filles atterrissant ici à cause de cette foutue pauvreté, l’envie de gerber et de coller son poing dans la gueule de ces connards a du mal à se dissiper … le 222 est ainsi infréquentable à moins de ne pas regarder dans les coins et vous comprenez donc pourquoi. Bon, vous venez de lire tout çà et je vous vous demandez s’il y a un peu de rose la dedans, je vous rassure plus que de raison! Nos résidences UN, MSF, ACF et consorts sont très agréables pour tous repas et/ou soirées passées à se raconter notre quotidien ici, à se remémorer nos plaisir occidentaux, à jouer de la guitare, à rigoler des écarts culturels dont nous sommes témoins, et à parler de nos plans de vie. Je veux partir au Darfour, et toi ? HCR à Moscou ? Toi tu veux juste rentrer te reposer? Tu verras après….on parle de nos craintes aussi…lesquelles ? Ben tu crois que nos potes quand on rentrera comprendront ce que nous avons vécu ici au Congo ? Et ma copine restée en Europe qu’en sera-t-il à mon retour ? Je sais pas… comment expliquer à mon entourage que je veux bosser en Somalie? Et toi là tu arrives à dormir après ce que tu as vu aujourd’hui? Ben mine de rien, tout çà meuble nos emplois du temps à fond. La tribu humanitaire c’est notre réalité aujourd’hui et quelques soient nos différences on est tous d’accord sur une chose : qu’est ce que ça va être dur de partir, d’abandonner nos emmerdes ici et notre quotidien si unique, et de se quitter surtout…

18 novembre 2004

Tracasseries

Mboté Na Bisso, Tracasseries donc...derrière ce mot anondin pourtant partie integrante de la vie Congolaise se cache la source de l'enfer que je viens de vivre ces dix derniers jours! certains me demandent si c'est dur le Congo, ma réponse est bien sûr que non, faut juste de l'EXOMIL pour mener a bien son travail, mais laissez moi vous raconter. Tout a commencé avec la préparation de notre meeting trimestriel avec nos trois superviseurs. Un déplacement de quatre jours (deux sur le fleuve) à BARINGA par canot rapide...complication dans l'etablissement du permis de voyager, complications dans l'etablissement de nos papiers de voyage expats, bref deux journées marathon pour arriver à un jour de retard! départ tant bien que mal le jeudi matin ma collègue, mes deux pilotes hors bord, mon mécano, moi même et nos affaires plus le carburant. C'en était trop pour notre petit canot qui refusa tout simplement de déjauger nous forcant a decaler notre voyage de deux bonnes heures et surtout d'abandonner des futs de carburant nous laissant dans l'obligation de nous ravitailler en cours de route: jusque la des contraintes logs tout ce qu'il y a de plus classique, et nous sommes partis l'esprit tranquille dans l'idée d'arriver dans la journée, en comptant sur mon pilote de BARINGA qui viendrait nous trouver en cours de route (de fleuve en fait) pour nous ravitailler. Nos consignes sécu nous interdisant de rouler la nuit sauf urgence (et la nuit tombant a 18h) nous décidons de passer la nuit a Basankusu, port ou est située une base MSF, car il faut le savoir, ici tu ne dors que chez des expats! nous nous rendons chez les collègues qui nous accueillent à bras ouverts (ah la solidarité inter ONG) mais nous devons revenir au port car l'office des migrations n'accepte pas nos documents de voyage: nous nous faisons expliquer que le pays n'est pas reunifié (foutaises) que nos documents ont été établis par des autorités non reconnues ici, et que nous sommes en infraction!!! l'envie de strangulation toujours mais le souci de respecter notre planning nous embarque dans trois heures de discussion (mais quels fils de p...) pour arriver a la conclusion suivante : rendez vous a 5 heures du mat le lendemain chez le numéro 1 de l'office des migrations afin de "négocier" notre départ au plus tôt. Inutile de préciser que l'enervement fait place au désespoir...big up a ma collègue d'ailleurs dont le positivisme a réussi à ne pas me faire sombrer dans une noirceur difficilement évitable. Après une sieste de quelques heures, nous voila rendu a 5h00 chez l'enc... en chef qui veut nous faire remplir des papiers, nous faire payer, requisitionner notre lampe torche et qui voyant qu'il n'aboutit a rien essayer meme de recuperer mon T shirt ACF. L'intimidation, la patience, et l'arrogance aidant nous partons finalement a 6h30 les nerfs aussi tendus qu'un string sur le cul d'une grosse en esperant arriver le plus vite a BARINGA. Prochaine étape, vous l'aurez deviné, la panne sèche vu que mon pilote ravitailleur brillait par son absence. Nous voila à MOPANGA (une sorte de grande métropole vous devinez) en train d'essayer un plan C avec départ de motos chargées de futs d'essence de BARINGA pour nous sauver...deux heures plus tard, notre pilote apparait frais comme un gardon en nous expliquant qu'il nous attendait depuis la veille a 8km en amont...Michel, quand tu pars ravitailler qqun c toi qui trace parce que c celui qui a besoin d'essence qui va tomber en panne non?trop compliqué...allez arrivée a 13h a BARINGA, on oublie tout on dejeune et on commence à bosser d'accord? pas de l'avis de tout le monde....vers 16h nous sommes interpellés par des bruits de foule et c la que nous decouvrons un attroupement d'une bonne centaine de personnes à l'exterieur de notre base, dont une bonne moitié serieusement éméchée, en train de crier et de se comporter de manière vraiment pas amicale. Nous sortons donc, ma collègue bien entourée par moi même et nos 3 superviseurs: il s'agit des personnes non retenues par ACF pour la distribution, vu qu'ils ne rentrent pas dans nos critères de vulnérabilité. Eh oui certains peuvent s'etonner mais voila la froide réalité de notre travail lorsque nos budgets sont limités... il s'ensuit alors une heure et demie de dialogue de sourds entrecoupé de menaces, cris, et autres manifestations de virilité dont on se serait bien passé. Ca n'a absolument pas dégénéré, mais je dois reconnaître que l'espace d'un instant j'ai cru que j'allais avoir mal...allez nous nous quittons dans l'attente de leurs doleances par écrit, fin de la journée, et début de l'enfer équatorial des insectes et autres charmants moustiques. Car ce ne sont pas des piqures que j'ai mais bel et bien des mini blessures tellement ces saloperies sont coriaces: je recommande a tous d'etre allongé dans un lit bien protégé par sa moustiquaire et de rgarder ces mini monstres essayer de la perforer: l'enfer vert. Pour info, il faut savoir que certains insectes sont dotés d'un venin qui rend aveugle...rock'n'roll people. Notre meeting se termine le lendemain et nous n'avons qu'une seule hate c'est de rentrer a Mbandaka. reveil donc en grande forme avec la volonté de partir a 6h00 petantes....nous partons a 7h car mon log auxiliaire avait oublié de faire le plein de la moto qui nous menait de la base au canot...congo style! allez nous partons dans l'espoir d'arriver le jour même, espoir qui meurt deux heures plus tard lorsque le moteur lache! nous voila a nouveau echoué dans un campement de pecheurs sur le fleuve entourés de moustiques et de locaux qui nous observent. Le piston a cassé, et les réparations durent deux heures et demies. Je dois reconnaitre que sans nos pilotes d'exception nous serions bien mal, grace a leur savoir faire nous repartons sachant que le retour dans la journée sera fortement compromis, à moins de rouler la nuit! bon arrivée à 16h a Basankusu que fait on? on continue bien sûr. Décision exceptionnelle prise au regard de nos dernières aventures dans ce charmant port. Je vous fais le topo, nuit noire, il pleut dru, nous sommes sous une bache qui fait ce qu'elle peut pour nous garder au sec. Me voila trempé, ne voyant rien, tremblant de froid avec notre vie entre les mains de nos pilotes: que faire alors? eh bien rigoler et s'occuper l'esprit pour ne pas tomber dans le stress...allez 7 heures plus tard (23h donc) nous arrivons enfin a Mbandaka, fin de l'odyssée!!! Voila, je pense que vous aurez tous compris, quand le Congo veut nous mettre à l'épreuve il n'a pas besoin de faire beaucoup d'efforts...je pourrais continuer des heures sur les tracasseries qui ont retardé mes barges d'une semaine (barges portant nos intrants pour les distribs), les gardiens de la residence qui avaient tiré notre rallonge chez eux, le crétin d'armateur qui a failli endommager un hors bord de l'ONU avec ses manoeuvres (ma responsabilité en cas de pépin), la barge qui est tombée en panne après être partie, le besoin d'envoyer mes pilotes par pirogue motorisée leur porter une batterie neuve pour leur permettre d'avancer... mais arrêtons nous là. Cette mission est ma première, dans un contexte tout sauf évident, et je dois reconnaitre que depuis dix jours ce en quoi je crois et qui m'a poussé dans cette voie qu'est l'humanitaire est plus que mis à l'épreuve. Existe t il un meilleur bapteme du feu? je ne pense pas et je pense que c la raison pour laquelle ma petite étoile m'a fait atterir ici: l'humanitaire par la grande porte. Je garde le sourire je vous rassure... Désolé de ne pas avoir écrit la semaine dernière mais la charge de travail comme vous le devinez ne m'a pas laissé de temps libre...cette missive vaut pour ces deux dernières semaines donc, et la prochaine fois on abordera des sujets un peu plus fun tel que ma vie sociale a Mbandaka city, sans oublier l'update sur mes barges: Action Contre La Faim rules babies....vive l'humanitaire...Amen!

07 novembre 2004

A day in a life

Mboté toujours, Ca fait maintenant une semaine tout rond que j'assume mes fonctions de logisticien tout seul comme un grand. La semaine d'avant mon prédecesseur etait encore la pour le tuilage et la preparation psychologique a ce qui m'attendait, mais maintenant ca y est I'm in command!!! mais au fait c'est quoi la vie quotidienne d'un logisticien au Congo? que du bonheur, et je ne saurais etre plus ironique... vous êtes prêts? Commencons par les bonnes choses quand même. Mon background est plus qu'un atout, vu que je gere un budget, 18 personnes, un parc véhicule terre/mer, et notre résidence sur le fleuve. J'ai chaud au coeur en voyant que mes années d'écoles de commerce, puis de conseil et gestion de projet servent enfin à quelque chose d'autre que de voir son compte en banque se renflouer a chaque fin de mois...que mes parents et les institutions qui m'ont temporairement hébergé se rassurent! Aussi, je prends conscience des différentes cultures dans lesquelles j'ai vécu, ainsi que de mes quatre langues qui sont enfin mises a contribution de manière simultanée. Faut reconnaître que jusque là ces avantages servaient surtout à impressioner la demoiselle du coin, mais là çà m'ouvre pas mal de portes: je parle francais avec les congolais, anglais avec tous les anglophones presents ici, espagnol avec les soldats UN du contingent urugayen, et arabe avec les libanais changeurs d'argent (Mohamed et Ali deux grands moments de ma vie)...aussi cosmopolite que Londres de par ici, qui l'eût cru? bref vous l'aurez compris je pars quand même avec pas mal d'atouts.Maintenant passons au contexte....c'est moi ou c 'est eux mais je vous assure qu'il y en a qui ne vont pas ressortir entiers d'une telle confrontation! déjà tout le monde quémande, cela va du mendiant à l'officier supérieur, et même si ma verve me sauve a chaque fois faut dire que la strangulation devient une pensée de plus en plus concrète...je pourrais passer des heures à faire ma psychothérapie et vous narrer les obstacles que je rencontre au quotidien, mais je préfère résumer par la phrase que mon DRH m'a dite avant de partir: Tout va lentement au Congo, très lentement. C'était malheureusement vrai, mais je pense que le plus dur reste la corruption latente et tout ce qui en résulte vu que nous refusons de cautionner pareil système. Je ne m'attarde pas plus sur ce point qui me donne la nausée vu que nous y sommes confrontés au quotidien. Mais je parle, je parle, qu'en est il au jour le jour? eh bien réveil 7h et arrivée à la base 8h passées. Début de la journée par les mises au point diverses et variées, pénible lecture des e mails (le net est aussi rapide que le Congo), et début de ma journée avec la série d'imprévus et autres merdes qui me tombent dessus. Me voila au port pour verifier la sécu de l'entrepôt, ensuite direction le port pour constater que la barge qu'on nous avait promise n'etait pas la, traque de l'armateur a Mbandaka city, sans oublier le détour obligatoire par les autorités fluviales ou la direction des migrations pour obtenir le formulaire B72 vert fluo. Retour à la base pour refaire le point, engueuler 3-4 personnes, convoquer un tel et un tel et hop direction larésidence pour dejeuner! la pause me direz vous, que nenni! je rappelle que notre parc automobile et fluvial se trouve la bas donc forcément l'arret technique avec les pilotes et les mécanos....retour à la base pour une enième mise au point et/ou engueulade et c reparti pour l'aéroport! bien sûr arrivé la bas le préambule "action contre la faim...eh bien j'ai faim moi" est de rigueur, avant de constater que le fret n'est pas arrivé...on reste calme, et on ne casse pas les côtes flottantes du responsable... euh juste une seule je peux?allez...non? bon tant pis!La fin de journée congolaise se profile aux alentours de 17h30, et il est temps pour moi de revenir a la base pour les differents rapports à taper et autres activités dactylo dont tout le monde raffole mais malheureusement nécessaires, ce qui nous mène à 19h minimum 22h30 maximum (jusque là) Le retour a la maison est des plus paisibles douche bouffe musique lecture et dodo surtout: qu'est ce que je peux dormir dans ce pays!!! C'est vrai que préparer les distributions n'est pas de tout repos et que ce que je me farcis en ce moment reste exceptionnel, mais que d'émotions croyez moi. La pause de midi arrive et l'effondrement moral avec, en se disant qu'on ne vas jamais resoudre nos problemes a temps. arrive alors la fin de journée avec les solutions de dernière minute obtenues lorsque les autres capitulent (plus têtu que moi... tu meurs mon frère) et le sentiment que ca avance malgré tout! joie, soulagment, et decontraction à l'honneur... jusqu'au lendemain matin! Allez la semaine prochaine je pars pour quatre jours dans la brousse, dont deux jours entiers de voyage par canot sur le fleuve: meeting trimestriel avec tous les responsables de nos arrières bases pour préparer les distributions. Depuis le temps que je veux y rentrer dans cette jungle, je vais être servi!!!La ballade sur le fleuve, la guitare dans la nuit, les étoiles dans le ciel...comme réunion de travail je crois qu'on peut faire pire. Promis je vous raconte la semaine prochaine et les photos suivront...héhéhé. Un dernier point et de taille, je vais louper mon premier match de l'équipe de france de rugby depuis 1999. Je pensais être rentré à temps pour suivre le match sur internet (merci sudradio.com) mais il n'en sera rien...sniff! que tous ceux qui regardent le match samedi pensent à moi et j'attends vos mails: on va les bouffer les australiens....allez la Gaule qu'on leur marche dessus!

31 octobre 2004

Mbandaka de mes amours

Mboté tout le monde, Alors tout d’abord sachez que j’écris ces quelques lignes de ma terrasse à Mbandaka qui est a 10 mètres du fleuve Congo, un fleuve magique par sa taille (jusqu'à 80km entre les deux rives) ses méandres (un labyrinthe par endroits) et surtout pour cette impression de paix qui s’en dégage…au loin c la jungle équatorienne limitrophe du Congo Brazzaville : difficile de s’imaginer une quelconque présence derrière cette sublime barrière verte. Le passage des pirogues lui trouble à peine la sérénité ambiante qui m’envahit chaque fois que je m’installe sur cette terrasse (je vous rassure j’ai la même vue de ma chambre). Les photos suivront mais je ne pense pas que l’on puisse prendre pleinement conscience de cette beauté à moins de l’avoir vue de près… Sorry everyone! Maintenant je rassure les curieux, je pars bientôt en expédition pour des distribs sur le fleuve. Nous assurons des distributions de Non Food Items auprès de populations complètement isolées par ce fleuve qui est leur seul moyen de communication avec le monde extérieur. Les intrants (casseroles, savon…) partiront par barge, et j’assurerai une présence sur les trois sites sur lesquels nous allons opérer par canot rapide : première destination Baringa, puis Bolomba, et enfin Mondombe via Boende ou nous devrons faire escale pour la nuit. Vous l’aurez compris, déplacements sur le fleuve, nuit dans la brousse, et découverte de la jungle équatorienne, on a fait pire comme routine de travail… Mais revenons au début, avec le départ de l’aéroport de Kinshasa, où les tentatives de racket par les policiers continuent de m’impressionner….une fois les formalités diverses et variées terminées, nous voilà devant le tarmac à attendre qu’un avion congolais dont la roue a lâché soit déplacé afin que nous puissions décoller. Pour info, nous avons interdiction de prendre les avions d’Hewa Bora et de Wimbidira les deux compagnies locales, vous voyez le topo... La solution est trouvée une heure après lorsqu’un tracteur agricole (qui était à deux doigts de m’écraser) vient remorquer notre petit avion pour nous permettre de décoller : faut le voir pour le croire et c pas les fous rires qui ont manqué!!! Notre avion est un vol ECHO la coordination humanitaire de l’Union Européenne qui les met gratuitement à la disposition des ONGs. Existent aussi les vols gratuits de l’ONU, et les options plus flexibles mais payantes d’Aviation Sans Frontières, une ONG fantastique au service des ONGs, et qui s’avère précieuse en cas d’évacuation notamment dans la jungle : bien beau la solidarité entre collègues. Nous voilà donc à bord d’un petit coucou qui décolle presque à la perpendiculaire et qui atterrit de la même manière, mais quelles sensations….survoler le Congo était quelque chose, maintenant survoler la jungle, voilà un spectacle qui je crois m’aura marqué à vie! L’aéroport de Mbandaka est une piste avec un local juste à côté. Pour info en tant qu’ONG nous avons accès illimité et total au tarmac (la grande classe quand tu arrives avec la voiture sans même ralentir) alors que les avions se posent et redécollent : il faut me voir avec ma radio portable sautiller d’un fret à l’autre! Allez j’arrête de me la péter et je continue…Mbandaka est la capitale de la province de l’équateur dans laquelle je suis ; vous noterez le mot capitale…Pas de routes (le 4/4 est tout simplement un atout de survie ici) l’eau courante ne courre pas très souvent, et l’électricité est quasi inexistante…côté urbanisme je ne m’attarde même pas sur la question vous aurez compris : ça va être rock’n’roll !! Notre maison est un havre de paix perdu sur l’avenue Bolenge (prononcez Bolèngué) au bout de Mbandaka et je pense que cela va être le véritable antidote à notre vie de tous les jours. Laissez moi donc vous mettre dans le bain. Les ethnies de l’équateur sont connues pour être les plus malhonnêtes et les plus paresseuses du Congo, sans oublier les tracasseries régulières et autres chantages dont nous faisons l’objet histoire de nous soutirer le maximum de Dollars possibles. Me suis déjà fait arrêter par un flic mais ayant une bonne expérience en la matière, je pense qu’il va falloir se lever de bonne heure pour m’avoir…hehehe Syrian Style !!! pour l’instant j’en rigole mais le jour ou le juge corrompu fera basculer un procès en la faveur d’un connard, ce sera une autre paire de manches…. A voir donc! Je récupère une équipe bien huilée et complète qui va me faciliter grandement la tâche : soulagement donc. Le logisticien que je remplace est resté une semaine avec moi pour assurer la passation et je me rends compte à quel point ces 10 mois en équateur l’ont cramé…je m’arrête là mais je pense que vous saisissez le contexte : on verra qui du Congo ou du Mario aura le dernier mot… Je viens de passer dix jours de folie entre la passation et le planning logistique à finaliser pour les distributions. Certains peuvent être sceptiques quand à la complexité de la logistique, mais trois bases arrières une quatrième qui fait office d’entrepôt, les animateurs et superviseurs a transporter, sans oublier les journaliers gardiens et autres manutentionnaires rendent l’équation bien sympathique. Vous rajoutez les problématiques d’hébergement, de ravitaillement en essence, l’entretien des motos, moteurs à pirogues et autres canots rapides qui ont bien du mérite à ne pas lâcher avec ce qu’on leur fait subir ; vous saupoudrez d’autorisations administratives, de moyens de communications sans oublier les considérations de sécurité, et vous obtenez une image très fidèle de ce qui va être mon quotidien pour les mois à venir! Que ceux qui considèrent l’humanitaire toujours comme des vacances me le redisent avec la même conviction. La population à Mbandaka sans être dangereuse (nous pouvons nous y balader en voiture et à pied a toute heure) n’est pas vraiment accueillante, et il est difficile de ne pas se lasser des quémandes incessantes d’une population non coupable mais je pense responsable d’un attentisme pesant ralentissant considérablement la marche des choses et pour eux et pour nous…j’ai tenté le jogging ce matin, et je pense que ce sera gérable par la suite à condition de se munir de bouchons dans les oreilles. Côté sorties, le 222 est le nec le plus ultra mais la présence des soldats Uruguayens de l’ONU en compagnie de prostituées ne m’a pas vraiment convaincue : pas étonnant que les UN ne soient pas biens vu. Les autres options qui s’offrent à nous sont l’auberge et maman Odile mais la teneur en huile de leur nourriture (signe d’opulence) et la présence de viandes (chèvre et cochon) ne me convainc pas non plus : ma vie sociale ce sera chez moi et chez MSF. J’ai continué mes explorations culinaires avec le Foufou et la Chicuane. Aucune valeur nutritionnelle, une consistance pâteuse pour le foufou, et une consistance de caoutchouc pour la Chicuane... ca ne va pas faire mon affaire, mais il faut savoir que les congolais en raffolent…vivement que je goûte le Pondou, et pour l’instant je ne veux me souvenir que des bananes plantains et des arachides délicieuses de par ici. Il n’y a pas grand chose à manger a Mbandaka, du poisson et de la viande que je ne consomme pas et côté légumes seuls les épinards, le mais, les tomates, les aubergines, et les oignons sont présents. Le riz et les pâtes (pas de patates) constituent les seuls accompagnements et les fruits sont les mangues, les ananas, et les oranges acides. On trouve du Nescafé en poudre de la confiture et du pain aussi et je viens de faire le tour de la TOTALITE du comestible…heureusement que nous passons des commandes régulières de ravitaillement à Kinshasa : le beurre, céréales, patates, et autres fromages sont malheureusement des signes de luxe, mais représentent une nécessité si l’on veut garder notre équilibre. Un dernier point sur l’eau…quelle contradiction d’être à côté d’un fleuve! Le pourcentage de coliformes vivants dans le Congo rendent toute baignade impossible, et voir la population locale s’y laver en dit long sur le travail à faire ici afin que ces derniers puissent avoir une alternative. Notre eau potable, elle, vient de la source, est bouillie, puis est filtrée ; celle pour laver les légumes est chlorée. Dois je m’attarder encore ? Je pense que la question que pas mal d’entre vous se posent est : est il toujours content de son choix? Eh bien que tout le monde se rassure oui plus que jamais!!! Oui car je n’ai jamais été plus convaincu par le sens que je donne à ma petite vie, oui car Action Contre La Faim fait un boulot fantastique d’une manière on ne peut plus pro, et oui car je prends peu à peu conscience de ce que je vis et partage avec les autres humanitaires au Congo et ailleurs : je n’échangerai ma place pour rien au monde croyez moi ! Je vous laisse là, louper le coucher de soleil serait un crime…

21 octobre 2004

Go to the Congo

Bon çà démarre bien, arrivé à l’aéroport je me trompe déjà de terminal après 25 minutes de queue puis une fois arrivé à l’enregistrement on m’explique que le poids maximum d’une valise doit être de 32 kg pour le bien être des porteurs(??? Faut que je les mouche peut être?) et qu’une partie de mes 50 kilos doit être transvasée dans une valise que je suis obligé d’acheter dans le seul magasin de l’aéroport à prix sympathique…60 pounds plus tard, je démarre les négociations sur mes 30 kilos d’excédent bagage pour en payer finalement 7…135 pounds au total elle commence pas bien la journée? Après un voyage fort sympathique ponctuée d’une escale à Bruxelles (faudra m’expliquer comment prendre au sérieux la sécu de l’aéroport qui parle comme Coluche) me voilà arrivé à Kinshasa. L’aéroport de N’Djili rend obsolète toute définition de ce mot : tout le monde court dans tous les sens (énorme) et les passe droits se font plus nombreux que la police des frontières elle-même, ensuite tout le monde court vers l’unique tapis bagage qui livre ceux des trois avions arrivés en même temps avec les gars qui sautent au dessus pour essayer de coordonner tout çà…heureusement que notre « protocole » comme on dit dans le jargon est venu me chercher et s’est occupé de tout, j’aurais bien galéré par moi-même… Première ballade en voiture de l’aéroport jusqu’à la maison ACF à l’autre bout de la ville, pas de meilleure entrée en matière possible, et la claque est immédiate. Je me sens tout petit avec ma petite expérience occidentale et moyen orientale, mais tellement heureux de faire mes premiers pas dans ce nouveau monde. Les ballades suivantes tout au long de la semaine me permettent de découvrir Kinshasa, la capitale de l’Afrique comme ils l’appellent ici ! Mes remarques peuvent paraître un peu candides surtout pour ceux qui connaissent l’Afrique mais je reste choqué de voir une ville dans un tel délabrement et une pauvreté aussi flagrante. Ce qui me paraît encore plus malsain est le contact visuel avec les personnes de la rue qui nous regardent dans nos gros 4/4 et nos grandes maisons avec gardiens. Ne soyons pas stupides non plus. Les considérations de sécurité étant primordiales, surtout au vu de l’instabilité actuelle de ce pays, notre mode de vie est tout sauf du luxe, mais je ne peux m’empêcher de ressentir un certain pincement à chaque fois. Je ne connais pas encore le Congo, mais je prends conscience du contexte et j’ai mal de voir un si beau et si riche pays dans un tel état après toutes ces années de pillage en règle d’abord par les belges, puis par Mobutu, et par toutes ces entreprises qui ne contribuent en rien ou presque au tissu économique du pays (on extraie et on sort du pays directement) : mes premiers pas donc…il me tarde de découvrir la province de l’équateur où je vais être basé mais en attendant le ciel et les nuages sont de toute beauté! Premier coup de cœur, les congolais. Fiers de leur pays et de leur appartenance, ils t’expliquent systématiquement que, malgré tous les problèmes que leur pays connaît, il s’en sortiront : un discours qui fait chaud au cœur croyez moi car que ce soit réaliste ou pas ils veulent y croire ! Si beaucoup considèrent les ONG comme de simples employeurs étrangers source de dollars (et peut on vraiment leur en vouloir) nombreux sont ceux qui travaillent par conviction là dedans avec le souci d’aider leurs compatriotes et leur pays. Cela va du simple chauffeur au chef de programme expérimenté et les entendre parler de la sorte rassure sur le travail si controversé des humanitaires. Les congolais sont aussi un peuple qui à défaut de disposer de moyens de divertissement (aucun ciné a Kinshasa) et qui souffre d’une vie culturelle très pauvre (faute de moyens uniquement) est axé sur la nourriture, la boisson, et la fête ce qui leur confère une jovialité et un humour qui m’a tout de suite touché. Attention aucune connotation négative dans ce que je viens d’écrire, les congolais ont en très grande partie poussé leurs études assez loin, et ce ne sont pas les compétences qui manquent dans ce pays, ni les intellectuels, mais il leur faut juste un peu de coaching pour enrayer toute la désagrégation et la corruption qui a mis leur pays à genou, et un gros coup de pouce financier : c’est dans cette optique que je réalise l’importance des ONGs ici, et je me sens tellement fier d’y participer…décidément le monde du corporate est à des années lumières ;-) Ma semaine a Kinshasa alors? Eh bien du grand moment J j’ai donc commencé à découvrir les spécialités congolaises, comme les bananes plantains (frites ou bien en boulettes) ou les Kossas (énormes gambas fluviales, un régal) et j’attends avec impatience de goûter les chenilles, la chèvre, et autres pondous décidément bien curieux…côté bières ici c la Primus (bouteilles de 75cl) ou bien la Skol en blonde et la Turbo King en brune (à laquelle on prête des vertus aphrodisiaques) là encore j’attends de goûter le Loto Ko (eau de vie) ou le vin de palme. Sinon côté sorties j’ai eu l’occasion d’aller dans un bar avec un sublime groupe de musique (africaine, jazz, blues) qui ne laisse présager que du bon de ce côté-là ;-) passé aussi dans un bar qui vend de la Guinness à 3$ (dollar américain) mais ce n’est pas de la pression…sniff…puis ai fait ma première soirée expats (humanitaires uniquement, on ne se compromet pas quand même) qui m’a confirmé à quel point ce monde me correspond : écouter les récits de chacun, m’a une fois de plus rappelé à quel point j’étais dans mon élément, par contre je dois reconnaître que le mythe de l’infirmière MSF n’est pour l’instant qu’un mythe…la réalité est plus douloureuse, on s’est compris. Je confirme par contre à quel point les congolaises sont de belles femmes : avoir discuté avec Miss élégance 2004 à fini d’achever mes doutes ;-) avis aux amateurs! Je ne suis pas là en vacances vous me direz et je terminerai justement par le boulot…je viens de passer 4 jours en formation/formalités/mises au point ici à Kinshasa afin de comprendre les tenants et les aboutissants de mon poste au Congo et là encore je prends conscience (la phrase du moment) de l’ampleur de la tâche. Tout d’abord, l’argent…rappelé à la dure réalité des budgets à durée malheureusement trop déterminée et de la quête difficile auprès des bailleurs de fonds (les donations publiques sont malheureusement trop limitées…si vous ne savez pas quoi faire de votre argent) nous travaillons ainsi avec une véritable épée de Damoclès sur la tête, qui si elle tombe nous forcerait à arrêter une partie, voire la totalité de notre travail ici alors que les besoins sont malheureusement bien réels…cela passe aussi par des restrictions en tout genre comme celle de poste expat là ou je vais être : à moins d’un gros revirement de situation, je vais vite me retrouver tout seul là bas, avec le staff local pour compagnons de travail. Beaucoup plus de boulot donc, mais une équipe super qui va le rendre possible heureusement…c dommage que les visites soient interdites là où je vais car je vais avoir de l’espace pour des visiteurs potentiels…aigre doux non ? Aussi, je donnerai des nouvelles les 15 prochains jours mais ensuite ce sera silence radio pendant quatre bonnes semaines car je vais partir sur la rivière pour effectuer des distributions dans tous les points où nous travaillons…dix jours d’affilée (entre autres) sur le fleuve Congo pour atteindre un de nos points çà va le faire mais côté Internet çà va pas le faire ;-) Je quitte donc Kinshasa demain aux aurores pour Mbandaka ma nouvelle ville d’adoption ou je passe mes trois prochains jours à faire une revue de matos et d’effectif, ensuite 15 jours pour organiser les distributions et si tout se passe bien distribs du 8 novembre au 6 décembre…wish me luck !

16 octobre 2004

La dernière ligne droite

Salam a tous, Bon le brief pays est réglé, la formation générale est terminée, le training logistique pareil j’ai enfin tout ce qu’il faut pour me lancer dans le grand bain! pas que j’ai été spécialement anxieux avant mais j’ai été tellement impressionné par le degré de professionnalisme de mon assoce que je pars avec un taux de confiance proche du 100% et je me dois de vous raconter çà. J’ai donc passé 15 jours a aborder tous les sujets possibles et imaginables en relation avec mon départ ; côté général on a passé en revue plus que détaillée les quatre grandes activités d’Action contre la faim (Nutrition, Sécurité alimentaire, Eau, Santé) tous les départements transversaux (Admin, Logistique, Communication, RH)et leur directions respectives, ainsi que tous les thèmes relatifs à l’expatriation (formalités, sécurité, suivi médical et psychologique) sans oublier toute une partie sur la morale de notre action et l’éthique relative à notre champ d’intervention et notre prise de décision (on va se marrer sur le terrain) . Je peux vous dire que rien mais vraiment rien n’est laissé au hasard, et pour booster notre confiance rien de mieux  côté training propre, mis à part les études de cas, les mises en situation et autres présentations j’ai eu ma partie logistique sur nos 4/4 aménagés humanitaires, l’utilisation des radios, les différents suivis et j’en passe et des meilleures…ah oui j’oubliais on a passé aussi en revue toutes les problématiques de recrutement et gestion de staff local…tout je vous dis !!!! la formation m’a rappelé le séminaire d’intégration en école de commerce (les bordelais d’entre vous comprendront) et quel bonheur d’utiliser son cerveau à nouveau... ah mon bar londonien est décidément bien loin ! Ma fantastique RH m’ayant dégagé de toutes les formalités relatives à mon départ, il m’est resté donc trois jours avant le grand départ, pour mettre ma vie (encore une fois) dans des cartons, faire mes adieux à la vie occidentale, et me préparer psychologiquement à mon plus grand défi à cette date….les sensations sont vraiment bizarres et je suis passé par tous les états de l’euphorie à l’excitation, à la peur, à l’émotion…je vous en passe et des meilleures, mais voilà on y est ! je suis rentré dans ma phase « dernière …» dernier curry à Londres, dernier Vins et Fromages, dernière pinte de Guinness (Aarghh mais comment je vais faire) dernières soirées avec les potes, derniers coups de fil, derniers visages réconfortants même par webcam…toute ma vie s’éloigne peu à peu et je commence à m’enfermer dans un cocon. Au fur et a mesure que le départ approche je ne fonctionne plus que par impressions et flashs…ma maison, mes colocs, mon quotidien bien douillet, ma famille aussi bien loin de tout çà…les nœuds à l’estomac se font de plus en plus serrés. Je me remémore aussi les images des films ACF (notre training psychologique durant la formation) celles des enfants cadavériques, celles des balles qui sifflent, les histoires de kidnapping…je mentirais si je disais que le doute ne s’installe pas en moi, et de ce fait l’attente devient insupportable…on m’avait prévenu que je passerais par une phase pareille c’est donc normal mais qu’est ce qui est normal dans ce qui m’attend…après tout on est bien en Europe non? NON? je suis un peu perdu mais je recadre à chaque fois après tout ma vie n’est que sur le point de basculer…mais çà y est là on est vendredi soir, je viens de faire mes derniers adieux, je me couche et dans 4 heures le taxi sera là pour m’emmener….assez réfléchi,la page se tourne enfin, début de ma nouvelle vie.

11 octobre 2004

Et c'est parti

Salam a tous, A y est le Mario se met à la mode du blog...ah la la moi qui me demandait comment j'allais rester en contact avec la famille, les ami(e)s, et toutes les autres espèces humaines, eh ben voilà c'est reglé :-) Bon, on part sur la base d'une missive par semaine dans laquelle je vous raconterai mes aventures, mes expériences, mes galères, mes joies, mes coups de gueule, mes hauts, mes bas, mes à cotés, mes travers, mes un peu à gauche (mais pas vraiment à droite le Mario même si ça c 'est une autre histoire) et tout le reste...si jamais mon emploi du temps m'empêche de le faire je me rattraperai la semaine d'après et sioupli pas d'inquiétude quand à mon silence prolongé... la connexion internet dans le bush c'est pas encore çà ;-) De votre coté n'hesitez pas a me balancer des mails sur mon adresse hotmail, je ne garantis vraiment pas de réponse rapide comme vous pouvez vous en douter, mais vous savez à quel point ces quelques lignes comptent pour moi donc... A vot' bon coeur!! A bientôt donc pour la première partie...