23 mai 2005

On se pose une minute là

Salut a tous, Un chti mois depuis ma dernière prose et pas des moindres puisque j’ai vécu une évacuation temporaire de ma brousse, un break de 10 jours dans la non moins dangereuse Durban (Afrique du Sud) et un meeting général à Kinshasa où je suis en ce moment avec l’ensemble des expats de la mission. Mais avant de commencer, un moment toujours aussi difficile, notre coordinateur médico-nutritionnel est parti après avoir terminé sa mission. Tout drôle de se dire que nos routes arrêtent de se croiser…Big up à toi Farid et vivement qu’elles se recroisent à nouveau! Bon j’en vois déjà froncer les sourcils à la notion d’évacuation temporaire, permettez-moi donc de rappeler que notre sécurité est gérée de manière préventive et nous avons été éloignés de notre base avec ma camarade expat pour une durée de dix jours à cause d’un risque potentiel de clashs milices-armée sur Malemba où nous sommes basés. Fort heureusement pour la population, pour notre staff, et pour notre programme il n’en a rien été, mais alors que nous étions repliés sur Lubumbashi, nous avons essuyé une tentative de sécession (rien de moins) de la province du Katanga alors que nous étions tranquillement occupés à terminés une bouteille de Chianti au sulfate à La Casa, restaurant italien tenu par le consul d’Italie au Congo (tout un programme je vous dis ce pays) Sécurité préventive donc…je rajouterais anticipation, mais surtout rassuré de voir que nous gérons toutes ces situations de la meilleure manière possible. A ce sujet je tiens à prévenir tout le monde, nous entrons dans une période fatidique au Congo qui est celle de l’avant et de l’après 30 juin. Pour faire très bref, cette date est la date butoir pour l’organisation des élections, qui n’auront (je vous le donne dans le mille) pas lieu. La conséquence est la prolongation de la transition qui règne au Congo depuis la fin de la guerre, et la prolongation de l’attente interminable de la population dont le sort n’a bien sûr fait que reculer depuis la fin de cette même guerre. Nous ne comptons plus les menaces, alertes sécu, et autres tentatives de troubles qui sans être d’envergure entretiennent la hantise d’un retour à l’horreur que ce pays a connu. Ajoutez-y les tensions ethniques, la misère, et les manipulations politiques nationales et internationales (of course) et vous avez un bien beau portrait de ce que nous vivons au quotidien désormais. Alors que prévoyons-nous ? Des troubles bien entendu…rien qui puisse dégénérer à grande échelle mais nous aurons sans doute quelques jours de repos forcés à la maison : Je vous donne donc en avant première ce que vous aurez largement le temps de suivre grâce aux médias. Aucune raison de s’inquiéter à ce moment là, surtout si je vais faire preuve de silence prolongé. En effet la brousse sera le parfait refuge le temps que tout cela passe, et je ne devrais pas faire signe de vie avant la mi juillet donc no worries babies, everything is under control. Qu’elle a changé ma vie en 7 mois, c’est la seule chose ou presque qui me vient à l’esprit en ce moment. Je suis en train de préparer une montée des périls, sur fond de centres de nutrition et de puits communautaires. Ce n’est pas tant mon quotidien ni la force de ce que je vis qui m’interpelle mais vraiment ce regard sur soi, hors contexte. Ce que je pensais être un nouveau départ n’est finalement qu’une métamorphose mais en quoi? La quête de cette réponse est de loin le travail d’introspection le plus remuant que j’ai pu faire…. Pourquoi je parle de métamorphose? Parce que j’ai tout simplement conscience que je prends une autre dimension dans ce monde. Moi qui étais généralement assez diplomatique (ou Faux cul selon les versions) me voici devenu sanguin comme je ne me connaissais pas. Moi qui lorgnais vers une certaine idée du collectif, me voici tenté par l’isolement (temporaire cela va de soi) le plus simple. Moi qui ne jurais que par le ballon ovale et la caisse de bois à six cordes, me voici délaissant ces passions au profit de…de quoi déjà? A y est le nerf de la guerre. De quoi déjà… mais bien sûr la réponse est là. De cet inconnu qui m’enveloppe, de cette motivation (ou absurdité au choix) qui pousse à aller la où personne ne veut aller, de cette paix d’esprit que me procure la joie de faire une différence, et de cette rage de voir toutes ces victimes périr. Pas une larme de versée jusque là, pourtant j’ai encore du mal à oublier certaines choses que je vois…des troubles? que Nenni! Du questionnement permanent…et avec les moustiques c’est pas évident croyez moi J Alors futur cœur de pierre professionnel? Si je ne ressentais plus rien je ne serais pas ici voyons. Mais je sens que lorsque je m’énerve dorénavant je le fais pour quelque chose qui en vaut la peine, et cela va d’un enfant cadavérique à l’incompétence d’autres expats. Je sens aussi que lorsque je ris c’est plus que jamais de bon cœur, et qu’est ce qu’on peut rire de par ici. De nous même, des autres expats, des locaux, de notre travail, et j’en passe et des meilleures! Mario tu nous emmerdes avec tes prises de tête… pourquoi ne pas appeler cela un nouveau départ? Eh bien tout simplement parce que dès que je reviens à la civilisation, ma priorité est un resto italien suivi d’un Wine And Cheese des familles, le tout entrecoupé d’un petit concert voire d’un match de rugby!!! Oui les amis, je pense souvent à nos retrouvailles non pas quand elles auront lieu, mais comment elles auront lieu. Mais çà n’a pas de sens? Tu viens de nous dire le contraire! Vraiment? Je vous laisse réfléchir là dessus en attendant la prochaine fois…